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Il se trouve encore des Italiens pour lui dénier la maîtrise de la, forme, la pureté du style, l’italianità en un mot. L’approbation donnée à Gabriel d’Annunzio par Giosuè Carducci ne fait-elle pas justice de ces griefs ? De quelle autorité évincer des lettres italiennes le disciple consacré par un tel maître ?

A l’heure où descend dans la tombe l’auteur des Odes barbares, fions-nous à l’auteur des Laudi pour proclamer la vitalité de la poésie italienne. A Gabriele d’Annunzio l’étendard classique, cependant qu’au pôle opposé de l’Italie intellectuelle, M. Fogazzaro, héritier de l’autre tradition, continuera de représenter brillamment l’Italie chrétienne et romantique, celle de Silvio Pellico et d’Alessandro Manzoni. Libre à nous, qui pouvons observer en toute sérénité ces énergies rivales, de rendre hommage aux deux tendances dans ce qu’elles produisent l’une et l’autre d’excellent. Aussi bien ne manquerait-il pas quelque chose à la littérature italienne, le jour où l’une des deux Italies disparaîtrait sans laisser de traces ? Si ces deux courans fraternels et adverses divisent le sol national, ne le fécondent-ils pas aussi ? ne le fécondent-ils pas, tout compte fait, plus encore qu’ils ne le divisent ?


MAURICE MURET.