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résultat a produit au Cambodge une impression profonde. Son retentissement s’étendra bien au-delà des limites des pays khmers : notre prestige en bénéficiera même auprès des Annamites, race de conquérans dont nous avons brusquement arrêté la puissance expansive, mais dont les ambitions ataviques ne sont pas mortes.

Au cours des événemens dont je viens de présenter un bref résumé, nous aurions sans doute eu plusieurs occasions de réparer la faute commise en 1867 et d’obtenir la restitution des provinces cambodgiennes lacustres. Nous aurions pu le faire en 1884 et en 1885, à l’époque de notre querelle et de notre règlement de comptes avec la Chine. En dispersant nos coups sur l’île de Formose, dont la conquête eût exigé de notre part des efforts considérables et de longue durée, avec des dépenses indéfinies que le Parlement ni la nation n’eussent certainement pas consentis à un moment où l’opinion se montrait si hésitante et si mal disposée à l’encontre de l’entreprise tonkinoise toute seule, le gouvernement s’était, ce nous semble, complètement trompé. L’occupation de Formose nous eût mis sans tarder en opposition plus aiguë avec la Grande-Bretagne, animée déjà de dispositions visiblement « inamicales » à notre égard, et si elle était devenue définitive, c’est nous-mêmes — opinion dont il ne me paraît guère permis aujourd’hui de contester le bien fondé — qui aurions probablement expérimenté les premiers la force de l’organisation militaire et navale du Japon. Mais notre gouvernement, présidé alors par Jules Ferry, tenait à Formose. Il aurait été, croyons-nous, bien préférable et autrement facile, à tous les points de vue, politique, militaire et financier, de porter nos hostilités contre le vice-roi des Quang — c’est lui qui nous faisait la guerre au Tonkin avec ses soldats et son argent — et de nous établir à Haïnam. Sans doute, l’occupation de cette grande île (on n’avait pas encore inventé les « locations à bail, » mais on eût aisément trouvé quelque euphémisme analogue) n’aurait pas présenté seulement des avantages, car elle ne possède pas de bon mouillage. Mais au moins nous en aurions écarté l’éventualité redoutable d’une intrusion étrangère, et Haïnam eût bien valu Quang-chanwan. Nous aurions ainsi couvert le golfe du Tonkin, devenu mer française. Enfin — et c’est par là que cette parenthèse se rattache étroitement à l’histoire de nos relations avec le Siam — la grande majorité des Chinois du Siam, émigrés de Haïnam, devenant ipso facto non pas seulement des protégés français, mais