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payer une partie du tribut[1] ; on avait laissé à un bon nombre leur territoire, leurs tributaires, leurs gabelles, tous les droits et tous les titres dont ils se targuaient avant la conquête ; et nulle part, certainement, le tribut ne fut augmenté[2], si bien que la Gaule n’eut à payer, si toutefois elle la paya, que la contribution peu lourde, fixée au début, de quarante millions de sesterces. César s’était donc efforcé de dissimuler l’annexion sous des satisfactions données à l’orgueil national ; il n’avait pas sévi contre la noblesse hésitante qui l’avait tantôt secouru et tantôt trahi ; il avait même partagé les biens des grands qui avaient péri ou qui s’étaient enfuis, et ceux des ploutocrates qui avaient sombré dans la révolution, entre les familles nobles disposées à accepter la suprématie romaine[3] ; et il avait pris à son service pendant les guerres civiles de nombreux nobles gaulois, à qui il avait fait des dons et même accordé le titre de citoyen romain. Auguste était entouré à Narbonne par tous les Caïus Julius, qui à ces prænomen et nomen latins ajoutaient le cognomen barbare de leur famille celtique : c’étaient les nobles gaulois que son père avait créés citoyens romains et qui formaient, dans la noblesse celtique, une sorte de petite noblesse plus élevée[4]. Ainsi les guerres civiles, loin d’entraver l’œuvre de César, en avaient au contraire, lutté l’accomplissement, et, par une étrange contradiction, conduit plus vite la Gaule vers la paix. Intimidés par les souvenirs des révoltes et par le fantôme de Vercingétorix, obligés de rappeler toutes les légions de la Gaule, et consciens de leur faiblesse, les triumvirs avaient laissé la Gaule à peu près maîtresse d’elle-même et dans une indépendance réelle, sinon nominale. Différentes pièces de monnaie

  1. Hirt. B. G., VIII, 49 ; honorifice civitates appellando. Pline, II. N., 4, 31 (17) et 32 (18) met au nombre des alliés les Carnutes. Mais avec Hirschfeld, je crois qu’il y a probablement là une erreur, au moins pour ce qui est de l’époque qui suivit immédiatement la conquête. On comprend facilement que les Éduens, qui étaient les anciens amis de Rome, que les Rèmes et les Lingones qui avaient tant aidé César dans la guerre de 52, aient obtenu facilement la qualité d’alliés. Mais pour les Carnutes, qui avaient lutté contre Rome avec acharnement, la chose paraît peu vraisemblable. Pline, II. N., 4, 31 (17)-33 (19), énumère les peuples libres, environ une dizaine, dont il trouva l’indication dans les commentaires d’Auguste. Mais il est difficile de dire si le nombre en était le même à la fin de la conquête. Il y eut probablement des modifications successives.
  2. Hirt. B. G., 8, 49 : nulla onera injungendo.
  3. Hirt. B. G., 8, 49,… principes maximis præmiis adficiendo.
  4. Sur la fréquence du nom de Julius en Gaule à cette époque-là, voyez Anatole de Barthélémy, les Libertés gauloises sous la domination romaine, dans la Revue des questions historiques, 1872, page 372.