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pour réparer chaque année les dégâts subis par les cours d’eau, les routes ou les chemins de fer[1], et les déclarations ministérielles qu’il cite ne sont pas moins catégoriques :

« Le relevé des pertes infligées au pays par les grandes inondations, disait le ministre, a montré que celle de 1856 avait coûté plus de 220 millions à la France et il a été calculé que les inondations des 40 dernières années avaient causé des ravages pour une somme supérieure à 700 millions ; et il ne faut que 200 millions au maximum pour achever l’œuvre entière de salut et de sauvegarde pour l’avenir, et encore ces 200 millions seront-ils restitués à la France par les richesses forestières qu’ils nous donneront, tout en évitant à l’avenir les désastres de 220 et 700 millions. »

Deux cents millions, disait le ministre ; deux milliards, écrivait Monestier-Savignat. La différence est sensible, et qui doit-on croire ?

Tous deux sont dans le vrai, mais ils ne se sont pas placés au même point de vue : l’ingénieur évaluait un aménagement complet en y comprenant « les améliorations agricoles par irrigation, dessèchement, consolidation et conquête de terrains, plantations et amendement » dont la dépense éminemment rémunératrice peut et doit incomber à ceux qui en profiteront, tandis que l’homme d’Etat envisageait uniquement la restauration d’intérêt général, indispensable pour la sécurité et le développement de la fortune publique dont on ne peut rechercher les bénéficiaires pour les y faire participer. La méthode inaugurée par l’Association pour l’aménagement des montagnes n’entraînerait d’ailleurs pour la préservation en dehors des périmètres qu’une dépense de 80 millions, inférieure à la réparation des désastres d’une seule inondation[2], et les charges incombant à l’Etat se réduisent à celles d’intérêt général, qu’il est assuré de récupérer largement par l’accroissement des ressources contributives correspondant à l’enrichissement du pays[3]. « Les bienfaits à réaliser équivaudront à des milliards. Retarder une telle opération sons prétexte de ménager les

  1. Chambrelent, Fixation des torrens et boisement des montagnes, Comptes rendus de l’Académie des Sciences, 6 mars 1893.
  2. Edouard Payen, le Déboisement, l’Économiste français du 13 avril 1907.
  3. La seule consommation en tabac des 161 000 Pyrénéens manquant au recensement de 1846 ferait entrer chaque année un million et demi au Trésor.