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vanter à l’extrême son hospitalité. Toutefois on l’a inexactement comparée à celle des anciens ou des Arabes : elle ne se ramené au fond ni à une générosité chevaleresque de seigneur, ni à un échange avisé de bons procédés commerciaux dans un pays difficile, comme chez les Berbères ou les Juifs ; elle est un art superficiel de politesse, un jeu représentatif, à quoi il se sait obligé par une routine de manières cérémonieuses devenues rudes dans cette vie sauvage à laquelle il a dû s’adapter, et voilà pourquoi il a si vite fait d’accepter de l’argent de ses hôtes, en dépit de la loi d’amour d’Andriana. L’hospitalité lui offre avant tout l’occasion excellente de palabrer : le Kabary, où le peuple s’assemble en plein air pour discuter toute affaire intéressant la communauté, est la coutume constitutive de la race ; l’éloquence, sa faculté dominante. Elle est sinueuse et entrelacée, interminable, imagée, poétique, empreinte de couleur locale, — non de chaleur, car, n’étant point sincère, elle est monotone, — et accentuée de conviction, même lorsqu’il ment ; avec cela le Hova ne tient à rien de ce qu’il a dit, il parle pour parler, discutant des heures pour un marchandage de deux sous et achetant à la dernière minute au prix peu avantageux, car il est satisfait d’avoir causé : dans cette race, l’éloquence n’est point une activité politique comme chez les Grecs, mais un jeu d’oisiveté ; elle est avec la musique le luxe de leur pauvreté paresseuse et bohème. Les Européens qui ont vécu eu Emyrne l’ont bien observé : celui qui parle est toujours écouté en silence ; lorsqu’il a terminé, son adversaire commence par le complimenter et par entrer dans ses vues pour les combattre ensuite et conclure contre lui, devant les auditeurs également silencieux ; leur parti est pris d’avance, en faveur du plus fort.

Cette faconde, s’épanche encore quotidiennement au marché qui n’est qu’un kabary commercial où l’on va chercher un objet d’un sou pour avoir un prétexte à causer toute une matinée. Cela a fait dire que le Hova était marchand « autant que le juif et plus que le Chinois, » et que les transactions locales étaient actives. Il est avéré que les Chinois qui tiennent toute l’épicerie sur la côte ne peuvent résister sur le Plateau Central ; mais cela n’est pas assez probant. Il est plus exact de dire que les Hovas sont essentiellement diplomates, et cette diplomatie, qui leur a permis de conquérir l’île sur des populations plus guerrières, établit leur supériorité dans le trafic, mais surtout