Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 39.djvu/832

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

travaux de la conférence, nous pensons que cet espoir est un peu téméraire. Qu’il y ait de nouvelles marines de guerre, dont quelques-unes, notamment la marine allemande, sont de grande valeur, chacun le sait ; mais on sait aussi que les hommes d’Etat anglais déclarent que la flotte britannique reste supérieure à la flotte allemande, même unie à une autre, fût-ce la plus considérable de celles qui existent actuellement : c’est ce qu’on appelle à Londres le principe du two power standard. Il est d’autre part évident que si, — ce qu’à Dieu ne plaise ! — éclatait une conflagration générale, l’Angleterre aurait avec elle, et non contre elle, deux flottes de premier ordre, la flotte japonaise et la flotte française. Elle est donc en droit de se considérer toujours comme maîtresse des mers ; et dès lors, on ne peut soutenir qu’une modification de sa situation se soit produite qui implique un changement dans ses intérêts. Il reste enfin deux argumens de fait qui militent contre l’hypothèse d’une convention relative à la guerre maritime acceptée par l’Angleterre. Le premier, c’est qu’en 1890, son plénipotentiaire, sir Julian Pauncefote, s’est énergiquement opposé à tout ce qui, même indirectement, aurait réglementé les usages applicables aux guerres navales. Le second, c’est qu’en répondant à l’invitation de la Russie du 3 avril 1906 et à la mission de M. de Martens, elle a, — et le Japon avec elle, — expressément déclaré qu’elle se réservait, dans la conférence prochaine, de « s’abstenir de discuter toutes les questions mentionnées dans le programme russe qui ne lui paraîtraient pas devoir mener à un résultat pratique. » A quoi cette réserve s’applique-t-elle, si ce n’est aux lois de la guerre maritime ? Tout en souhaitant qu’un accord intervienne, tout en reconnaissant que l’entente cordiale permet à la France d’y travailler avec une liberté d’esprit qu’elle n’avait pas autrefois, on est donc obligé de conclure que cet accord est improbable, ou que, du moins, les difficultés qu’il rencontrera ne sont pas sensiblement inférieures à celles qui, jusqu’ici, l’ont empêché de s’établir.

Il semble par suite que ce soit en dehors du droit maritime comme en dehors de la limitation des armemens que la conférence devra chercher les élémens d’une œuvre pratique. Le programme russe vise les complémens à apporter à la convention de 1899 relative aux lois et coutumes de la guerre sur terre. On se heurtera, dans cet ordre d’idées, aux mêmes obstacles qu’il y a huit ans, notamment au conflit d’intérêts qui oppose les petites