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sommes moins certains qu’il s’engagera ; et nous n’éprouverions nulle surprise avoir qu’il prît, à peine ouvert, la forme d’une dissertation académique, plus brève encore que celle d’il y a huit ans et d’une efficacité aussi médiocre. Quoi qu’il advienne, le résultat est connu d’avance et peut se chiffrer par zéro.

Il est vrai que l’importance prise, au regard de l’opinion, par la limitation des armemens est abusive. Le programme russe, tel qu’il est, pose des problèmes au moins aussi importans. « L’élaboration d’une convention concernant les lois et usages de la guerre sur mer, les bombardemens, la transformation des navires de commerce en navires de guerre, les droits et les devoirs des neutres, la définition de la contrebande, » constitue une tâche de premier ordre, qui, si elle était menée à bien, assurerait à la conférence de La Haye une place éminente dans l’histoire de l’humanité. Mais sur ce point encore, on ne peut se défendre de douter de son succès et de croire, de deux choses l’une : ou qu’elle renoncera à rédiger un accord international, ou qu’elle videra cet accord de sa substance et le réduira à un minimum sans utilité pratique. Elaborer une convention conforme à celle du programme russe, ce serait, d’un trait de plume, effacer des siècles d’histoire en affirmant, dans les guerres maritimes, la suprématie du droit sur l’intérêt et sur la tradition. Ce serait aussi effacer les différences géographiques résultant de la nature des choses en y superposant une unité juridique artificielle. Est-il probable, est-il possible qu’on y réussisse ? Si, pendant quatre cents ans, les puissances continentales n’ont pu se mettre d’accord avec l’Angleterre, puissance insulaire, sur les règles applicables à la guerre maritime, il faut penser que ce désaccord a une base profonde et durable. Une puissance, dont toute la force militaire réside dans sa flotte ; dont le commerce, par son extension, est plus menacé que celui d’aucune autre ; qui, pour cette raison même, s’est assuré dans toutes les mers des points de relâche et d’appui, a nécessairement d’autres intérêts que les pays dont l’armée de terre est la principale défense, dont la flotte de guerre a une moindre importance, dont le commerce est plus continental que maritime, dont l’expansion coloniale est plus récente et moins complète. Il faudrait abolir cette divergence pour arriver à La Haye à un résultat positif. Il faudrait que le mot de Michelet : « L’Angleterre est une île. Et cela explique toute son histoire, » cessât d’être vrai. Ou encore, il faudrait