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Dans ces cas-là, il y a deux façons d’éviter la guerre : la première, c’est de gagner du temps ; la seconde, c’est d’éclaircir les causes de l’incident. Les commissions d’enquête, exclusivement « chargées d’établir les faits et d’adresser un rapport aux gouvernemens intéressés, » répondent à ce double besoin. Malheureusement, cette institution nouvelle inspirait une invincible défiance aux petites puissances qui redoutaient qu’elle ne devînt entre les mains des grandes un instrument d’intervention. Aussi le texte de M. de Martens subit-il de sensibles modifications. Il fut convenu que les commissions internationales d’enquête n’interviendraient que dans les litiges « n’engageant ni l’honneur, ni des intérêts essentiels. » Au lieu d’être obligatoires, elles furent, même dans cette hypothèse limitée, simplement « jugées utiles, » et encore n’y devait-on recourir que « en tant que les circonstances le permettraient. » Malgré ces restrictions, la « soupape de sûreté » que M. de Martens voulait introduire dans les relations internationales s’est placée au-dessus des critiques par les services qu’elle a rendus. Et nul ne doit oublier qu’au lendemain de l’incident de Hull, c’est grâce à la commission réunie à Paris sous la présidence de l’amiral Fournier qu’on a pu éviter qu’une guerre anglo-russe ne vînt se superposer à la guerre russo-japonaise.

Pour que l’arbitrage ait une valeur pratique, il faut de toute évidence qu’il soit obligatoire. Mais cette obligation même est inconciliable avec le souci légitime des États de défendre, avec toutes leurs forces, leur honneur et leurs intérêts vitaux. La note russe relative à cette question ne le dissimulait pas. « Au point de vue de la politique pratique, déclarait-elle, l’impossibilité d’un arbitrage obligatoire universel apparaît comme évidente. » Elle cherchait cependant à étendre autant que possible le principe de l’obligation, notamment à l’interprétation des traités internationaux : — conventions postales, télégraphiques, monétaires ou de chemins de fer ; conventions relatives aux fleuves ou aux canaux interocéaniques et aux câbles sous-marins ; conventions sur la propriété industrielle, littéraire, etc. Ce n’était pas là un sérieux progrès. Car, ces matières sont précisément celles où, les risques de guerre étant les moins graves, l’utilité de l’arbitrage est le moins appréciable. Si peu que ce fût, cela parut trop à certaines puissances. L’Angleterre ne voulait pas de l’arbitrage obligatoire pour les questions de câbles sous-marins.