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S’attaquer aux affaires impétueusement et violemment, vouloir se procurer de l’influence dans le gouvernement à n’importe quel prix, ne souriait pas à sa nature : il lui suffisait d’être consulté pour donner un avis. La bonté formait le trait principal de son caractère, quelle qu’ait été l’importance exagérée qu’il attribuât à l’étiquette des cours et en dépit de l’inflexibilité et de la raideur avec lesquelles il tenait aux formalités les plus minutieuses. Il incarnait le parti conservateur de la noblesse : de là l’intérêt considérable du Journal qu’il a laissé à ses héritiers. Ce n’est ni l’enthousiasme ni les louanges, mais plutôt le contraste des opinions qui rend plus compréhensible le développement des événemens.

Mais ce n’est pas seulement sur les fluctuations et les conjonctures de la politique que Khevenhüller, le chroniqueur de l’époque de Marie-Thérèse, a fixé son attention : il tient compte aussi de ce qui se rapporte aux personnes, de ce qui est humain dans la vie d’un État : l’importance de ses communications posthumes réside dans cette particularité. Ce ne sont pas des schèmes et des êtres privés de sang, qu’il présente au lecteur, ce sont des hommes qui aiment et qui haïssent, qui éveillent des sympathies ou qui les repoussent. On voit là se mouvoir tout vivans les hommes qui, en ces temps héroïques de la diplomatie autrichienne, travaillaient avec tant de zèle et de désintéressement à l’unité de l’Etat. Tous sont dépassés par la femme glorieuse, l’héroïne de l’époque, Marie-Thérèse.