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autorité dans la balance contre ceux, qui, à son avis, conseillaient mal l’Impératrice.

Ce n’étaient pas une amitié tendre, des sentimens cordiaux que Joseph II éprouvait pour Khevenhüller ; mais il ne marchandait pas son estime à l’adversaire politique loyal, qui était en même temps un homme excellent et un serviteur dévoué. Il le recevait donc chez lui avec plaisir et lui « ouvrait ses tiroirs, montrait même ses différens rapports secrets ; » il lui faisait part de plus d’une chose « qui ne se laissent pas confier à la plume. » Mais ce que Khevenhüller découvrit de plus précieux chez l’Empereur, ce fut son cœur ; il reconnut qu’il était noble, et nullement froid ou dur ; il jugeait mieux qu’auparavant le futur souverain. Il déclara en termes élogieux que Joseph II était de ceux qui écoutaient la vérité et « qu’on pouvait apercevoir chez lui comme il ne cessoit de travailler sur soi-même ; conséquemment il était à espérer qu’avec la grâce de Dieu il deviendrait, l’heure étant venue, un grand et chrétien souverain, à qui il fallait souhaiter d’avoir autour de lui plusieurs honnêtes et véridiques personnes, et cela d’autant plus que jusqu’ici le plus souvent il n’avait été entouré que par des esprits mesquins et faux. »

Pendant la grave maladie de Marie-Thérèse en 1767, quand personne n’osait plus espérer son l’établissement, Jean-Joseph prit toutes ses dispositions pour se retirer à Klagenfurt, car il était fermement résolu à ne pas servir sous Joseph II. Si depuis cette époque il est revenu peut-être à d’autres sentimens, la douleur de pleurer sa bien-aimée souveraine, et conséquemment la nécessité de s’occuper d’un avenir nouveau, lui ont été épargnées. Au mois de novembre de 1775, il prit un refroidissement tellement grave qu’il ne put plus quitter la maison à cause de ses suffocations incessantes. Quelques mois après, le 18 avril 1776, il succomba.

Jean Joseph reçut de l’empereur François Ier, à la date du 30 décembre 1763, le titre de prince.

D’après les descriptions des envoyés étrangers, il était d’une taille moyenne, bien proportionné, et avait le visage allongé, de grands yeux brun foncé, le nez d’aigle des Khevenhüller, une petite bouche et le menton pointu. Elles le dépeignent aussi comme un homme que son amabilité, sa douceur et son obligeance eussent fait favorablement remarquer partout.