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inspiraient des inquiétudes, que Jean-Joseph partageait, mais qu’il essayait d’apaiser sans y réussir toujours.


La souveraine, jadis si heureuse de vivre et si active, devint craintive et hésitante ; elle se prit à douter de son habileté à conduire les affaires et elle exprima le vœu de renoncer au gouvernement. Khevenhüller, qui redoutait beaucoup cette éventualité, mit tout en œuvre pour empêcher que l’Impératrice ne prît précipitamment une décision irrévocable. Il faisait clairement allusion à Kaunitz, quand il s’exprimait ainsi : « On a l’intention de la dégoûter du gouvernement, afin de lui arracher le sceptre et de l’éloigner complètement du pouvoir par une abdication prématurée ou par une autre renonciation aux affaires les plus importantes, parce qu’elle avait déjà cédé par trop facilement, — et afin qu’on puisse, sous un maître jeune, très intelligent mais encore inexpérimenté, s’emparer du gouvernail et se faire admirer par le monde. » Elle est donc tenue, « en tant que femme craignant Dieu et ayant sa conscience engagée, à se placer en quelque sorte sur le bord du précipice et à sacrifier sa tranquillité au profit de cette idée chrétienne, par amour de ses royaumes et afin que la religion ne reçoive pas son coup de grâce en raison des maximes de la libre pensée journellement plus répandues et de l’indifférence toujours croissante des masses. »

Marie-Thérèse n’abandonna pas son poste, mais elle resta découragée et abattue, et, à mesure que son caractère devenait plus sombre, la sévérité du jugement de Jean-Joseph, sur Kaunitz et ses partisans, s’accentuait sensiblement.

Il ne s’exprima pas avec moins de franchise, quand l’Impératrice se mit à parler de sa « croix de famille, » le jeune empereur. « Il serait regrettable, si on le confirmait par une confiance excessive dans son opinion sur lui-même, — car il est un seigneur qui s’en fait accroire déjà assez à cause de son esprit, — et si on lui persuadait qu’il en sait plus long que Madame sa mère ! »

Quant à Jean-Joseph, il ne négligea rien pour maintenir la bonne harmonie entre la mère et le fils et pour aplanir les difficultés qu’une divergence d’opinion aurait pu produire. Mais ce n’était pas seulement dans cette intention qu’il voulait influencer l’Empereur, il désirait aussi que l’héritier du trône mît son