Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 39.djvu/800

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

voulu que son jugement fût mieux éclairé à cet égard, et, pour obtenir ce résultat, elle se décida à un moyen d’information qu’elle trouva acceptable autant comme femme que comme souveraine remplie d’énergie. Jean-Joseph reçut l’ordre, de se rendre de Prague à Königgrätz, où bivouaquait l’armée, sous prétexte de pouvoir donner à la cour de Dresde des renseignemens tranquillisans sur l’armée autrichienne. En réalité, il devait faire secrètement un rapport à la Reine elle-même, pour lui donner une idée juste de l’impression que faisaient ses troupes, ainsi que de leur nombre et de l’esprit qui les animait.

Khevenhüller fut profondément troublé par cet ordre, qu’il reçut de Marie-Thérèse le 29 juin 1745 dans le plus grand secret. Il n’appartenait pas à l’armée, il ne connaissait pas l’état militaire, et il savait d’autre part que la Reine estimait le prince Charles tout autant que son frère, le grand-duc. Jean-Joseph aurait donc très volontiers abandonné sa mission, évidemment très flatteuse puisqu’elle était confidentielle, à n’importe quelle personne, car il tenait Charles pour le principal coupable, mais il dut obéir.

Ce n’était que dans la question de Silésie, et non pas du tout au sujet de l’élection impériale, que Marie-Thérèse croyait pouvoir compter sur son allié saxon. Elle savait qu’avec l’aide de la France, il avait toujours l’espoir de ceindre lui-même la couronne impériale. Dans ces conditions, il n’y avait plus, — selon l’opinion de la Reine, — que trois moyens pour amener à composition le cabinet saxon : faire avancer la date de l’élection impériale, — cela contribuerait beaucoup, et il faudrait le faire comprendre à la cour de Dresde, à rendre moins dangereuse la réalisation des intentions communes contre la Prusse ; — réunir les armées des alliés sur le territoire de l’empire, que les Français évacueraient alors probablement, et « un tel événement ferait évanouir toutes les espérances dont se flattaient encore certaines personnes à Dresde, et ne produirait pas moins d’effet que n’en avait produit quelque temps auparavant le progrès de nos armes en Ravière et la paix qui en était résultée ; — ou enfin gagner à la cause le comte Brühl, à qui on pourrait promettre le litre de prince avec le domaine de Kosel en Silésie. »

Sensiblement différentes étaient les conditions où se trouvaient les affaires dès qu’il s’agissait du Hanovre. Si on n’y était pas moins obsédé par les rêves d’acquisitions territoriales