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la gendarmerie ;… les luttes entre races s’exaspèrent, les meurtres augmentent et les populations paisibles… sont terrorisées et aspirent à un changement de régime… Le gouvernement turc semble complètement aveuglé sur les conséquences possibles de l’agitation actuelle ; il considère avec plaisir les luttes entre chrétiens et ne prend aucune mesure pour les faire cesser. » La mauvaise volonté et les lenteurs de la Porte à exécuter l’accord turco-bulgare du 8 avril faisaient renaître l’appréhension d’un conflit possible. Les ambassadeurs des « deux puissances » eux-mêmes étaient obligés de constater, dans une « note identique » qu’ils adressaient, le 8 décembre, à la Porte, « l’inaction pour ainsi dire systématique des autorités » en présence de la recrudescence du désordre et de la formation de nouvelles bandes « principalement grecques. » M. Constans, justement alarmé d’une telle situation, reprenait l’idée depuis longtemps suggérée par les agens français, et répétait qu’aucune réforme ne pourrait être réalisée, si elle n’était précédée d’une réorganisation financière des trois vilayets et d’une régularisation des budgets permettant de payer exactement les soldats et les fonctionnaires. Lord Lansdowne avait beau jeu pour signaler le peu d’efficacité des réformes réalisées : il faisait M. Paul Cambon confident de ses inquiétudes. Le 20 décembre, il écrivait, à ses ambassadeurs à Vienne et à Pétersbourg, une lettre où il revenait sur la nécessité d’imposer à la Turquie des réformes plus sérieuses et plus complètes, notamment dans les administrations des Finances et de la Justice. Le 11 janvier 1905, dans une lettre à sir Francis Bertie, son ambassadeur à Paris, il reprenait le même thème, avec une insistance significative : « On ne fera probablement disparaître cet état de choses, y disait-il, qu’en exerçant (sur la Porte) une pression du dehors, et il semble au gouvernement de Sa Majesté que le temps approche où cette pression devra être exercée, non pas par une ou deux des puissances, mais par toutes les puissances signataires du traité de Berlin. » Eut-on connaissance, à Pétersbourg et à Vienne, des dispositions de lord Lansdowne et de la communication faite par son ordre à M. Delcassé ? Les deux puissances voulurent-elles en prévenir l’effet en agissant sans délai ? En tout cas, six jours après, le 17 janvier, le baron Galice et M. Zinovieff adressaient à la Sublime-Porte une note et un règlement où ils traçaient tout un plan de réforme financière à introduire en Macédoine.