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l’autorité souveraine. Ils sont chargés de veiller à l’application des réformes ; ils reçoivent les plaintes des populations, mais c’est Hilmi Pacha qui décide et ordonne. Les agens civils sont, pour ainsi dire, la conscience européenne de l’Inspecteur général, lui signalant le bien à faire, le mal à éviter ; aussi leurs rapports avec lui et l’étendue de leur influence dépendent-ils surtout du caractère et des instructions des uns ou de l’autre : il y a des consciences rigides et des consciences clairvoyantes, comme il y en a aussi de larges et d’aveugles. En tout cas, tant bien que mal, le principe des droits souverains du Sultan et de l’intégrité de son autorité est sauvegardé.

Pour les officiers chargés de la réorganisation de la gendarmerie en Macédoine, la question se posait dans les mêmes termes ; la résistance et les concessions du gouvernement ottoman passèrent par les mêmes phases. Il fut tout d’abord entendu que l’œuvre de réorganisation serait confiée à un général européen, et, au refus du gouvernement allemand, les Turcs, après des négociations restées obscures avec le cabinet de Rome, acceptèrent le général de division italien Degiorgis, assisté d’un adjoint de chacune des grandes puissances. La Porte essaya d’abord de soutenir qu’avec eux les quatre officiers belges et les deux officiers norvégien et suédois, engagés par Hilmi Pacha, suffiraient à la réorganisation projetée ; mais elle dut céder et accepter des officiers des grandes puissances. Quel en serait le nombre ? On lutta longtemps autour du chiffre, les Turcs s’en tenant à vingt-cinq, les ambassadeurs demandant soixante. On discuta sur le grade : les contrats stipulaient que les officiers européens, au service turc, auraient le grade supérieur à celui qu’ils possédaient dans leur pays ; mais la Porte ne voulait pas nommer Degiorgis Pacha maréchal (Muchir). On s’en tira en créant un grade nouveau, celui de premier divisionnaire. Il y eut aussi une question des fez, — le chapitre des chapeaux ! — et là-dessus, les puissances se divisèrent. Degiorgis Pacha prit l’uniforme turc avec le fez ; les chefs de mission gardèrent chacun leur uniforme national ; les officiers sous leurs ordres prirent l’uniforme de la gendarmerie turque qui comporte le fez rouge ; mais, tandis que les Italiens et les Anglais s’en coiffaient, les Autrichiens, les Russes et les Français adoptaient la coiffure de la cavalerie, le kalpak en astrakan noir. La question des fonctions des officiers était plus grave : la note du 24 mars de la Sublime-Porte, dont les termes furent acceptés