Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 39.djvu/683

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

demandent de légitime, elle le fera : à quoi bon la faire contrôler et surveiller par des agens européens ? Les deux ambassadeurs insistent : ils font deviner le péril par une allusion à « la tendance assez prononcée qui voudrait voir en Macédoine un gouverneur général étranger investi d’un mandat européen. » Le Sultan comprend qu’il faut jeter du lest ; il « accepte en principe les neuf points énumérés, » mais en se réservant « d’entrer en négociations à leur sujet pour s’entendre sur les détails de leur application en conformant les premier et second points à l’indépendance, aux droits souverains, au prestige du gouvernement impérial et au statu quo (24 novembre). » Les deux ambassadeurs prennent acte de l’acceptation et passent outre aux réserves. Ils nomment M. Demerik, consul de Russie à Beyrouth, et M. de Müller, ancien consul d’Autriche-Hongrie à Odessa, comme « agens civils spéciaux. » Mais que vont faire ces « agens » auxquels la Porte dénie le droit « d’agir », le titre même d’agens et ne reconnaît qu’un droit « de surveillance académique ? » Pied à pied, le gouvernement turc lutte pour sauvegarder sa souveraineté, pour en conserver au moins les apparences. Obligé de reculer encore, le 15 janvier 1904, il reconnaît les « agens civils » avec leur titre, leurs fonctions de surveillance, le droit d’avoir des secrétaires et des drogmans, mais il subordonne expressément l’exécution de toute mesure recommandée par eux, ou par le général chargé de la réorganisation de la gendarmerie, à la publication d’un iradé impérial. La difficulté n’est que reculée, non pas vaincue ; on se heurte toujours à la même question, la seule : à qui appartiendra le droit d’ordonner et d’agir ? Aux puissances, par leurs agens, ou aux Turcs, par les organes réguliers du gouvernement ? Si c’est aux puissances, que deviennent la souveraineté et l’indépendance du Sultan ; si c’est aux Turcs, comment venir à bout de leur mauvaise volonté, de leur inertie ?

Les agens civils, cependant, s’installent à Salonique, accompagnent l’Inspecteur général dans tous ses déplacemens, confèrent avec lui. Par la courtoisie des rapports réciproques, les divergences de principe s’estompent, se concilient dans la pratique quotidienne. MM. Demerik et de Müller collaborent avec Hilmi Pacha ; mais, sur la question de l’iradé, la Porte finit par avoir gain de cause : les agens civils ne donnent pas d’ordres ; ils n’ont même pas le droit de faire faire d’enquête par leurs drogmans ou secrétaires sans la présence d’un fonctionnaire de