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Ce programme, remis au grand vizir le 21 février, était immédiatement accepté sans restriction ni modification par le Sultan. Une décision si prompte, si peu conforme aux habitudes dilatoires de la politique ottomane, ne peut s’expliquer que par une entente préalable et par le caractère anodin du « programme de Vienne. » Il ne fait que compléter, sans y rien ajouter d’essentiel, les « instructions » dont Hilmi Pacha était déjà chargé d’assurer l’exécution ; aucune mesure efficace n’était prise pour assurer la réalisation des réformes et en contrôler l’application. La Porte se borna à transmettre à Hilmi Pacha, en prolongeant de trois ans la durée de ses fonctions, des « instructions supplémentaires. » Une fois de plus, les deux puissances, mandataires de l’Europe, s’en remettaient au gouvernement turc pour l’amélioration du sort des chrétiens : une telle politique était bien conforme au « principe d’intégrité » et au respect du statu quo dont les deux gouvernemens avaient fait la règle de leur entente dans les affaires d’Orient. Le Sultan s’y était rallié avec d’autant plus d’empressement qu’il savait, par la publication du Livre Jaune, que M. Delcassé, adoptant les vues de M. Steeg, avait d’abord préconisé un programme plus radical, plus explicite, notamment sur l’institution d’un contrôle européen chargé de veiller à l’exécution des réformes, qui lui valait l’expression de la gratitude des populations chrétiennes et des petites puissances danubiennes. Quoi qu’il en soit, tous les gouvernemens, entrant volontiers dans les vues des « puissances de l’entente, » faisaient recommander à Constantinople, par leurs ambassadeurs, l’application du programme de Vienne. A Sofia et à Belgrade, les conseils énergiques du comte Lamsdorff produisaient leur effet. En Bulgarie, le cabinet présidé par M. Daneff prenait des mesures rigoureuses pour empêcher les Comités de préparer une nouvelle insurrection : il faisait fermer leurs locaux, saisir leurs archives, arrêter et déférer à la justice les principaux chefs, Michaïlowski, Zontcheff, Stanicheff, le colonel Yankof. Partout, on attendait, sinon avec confiance, du moins avec espérance, le résultat de l’intervention austro-russe et le succès des réformes : ce fut l’insurrection générale qui éclata.

La situation, en quelques semaines, devenait très grave. Insuffisantes au gré des Macédoniens, les réformes étaient beaucoup trop libérales au gré des Albanais ; pour en empêcher l’exécution, ils se levaient en masse, se réunissaient à Ipek et à Diakova,