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en Europe un rôle de médiation et de pacification ; elle pensait d’ailleurs que le temps, dans les Balkans, travaillerait pour elle et que, d’une association temporaire avec la Russie, elle retirerait plus de profils que sa partenaire. A la suite d’un voyage de l’empereur François-Joseph à Saint-Pétersbourg, les deux gouvernemens conclurent une convention, dont les termes n’ont jamais été rendus publics[1], et par laquelle ils convenaient de maintenir dans les Balkans le statu quo et de n’agir, dans toutes les affaires concernant les pays balkaniques, que d’un commun accord.

L’accord de 1897 était, avant tout, négatif : les événemens qui, dans l’été de 1902, commencèrent d’agiter la Macédoine allaient obliger les deux « puissances de l’entente » à des résolutions et à des actes positifs. Elles allaient agir comme une Sainte-Alliance pour prévenir ou réprimer les mouvemens révolutionnaires et contenir les velléités d’intervention des États balkaniques ; en même temps, elles allaient s’entendre sur un programme de réformes à proposer et à faire accepter au Sultan pour l’amélioration du sort des populations de Macédoine et la pacification du pays. En février 1902, un voyage à Pétersbourg de l’archiduc héritier François-Ferdinand avait eu pour résultat une confirmation nouvelle des accords de 1897 ; cependant, le printemps et l’été se passèrent en pourparlers ; toutes les puissances adressaient à la Sublime-Porte et au cabinet de Sofia de platoniques conseils de modération et de prudence. Les troubles grandissant, la nécessité d’agir devenait urgente. M. Bapst, chargé d’affaires de France à Constantinople, écrivait le 4 novembre : « Non seulement les bandes n’ont pu être détruites par les Turcs et restent presque intactes à la fin de la saison, gardant tous leurs chefs, mais, sur tout le territoire qu’elles ont parcouru, elles ont rencontré les sympathies de la majeure partie de la population et ont ‘été aidées par elle dans leur lutte contre les Turcs. Il est certain que la question des réformes en Macédoine redevient d’actualité. » Et M. Steeg, consul général de France à

  1. « La commission des Affaires étrangères de la délégation hongroise… a questionné le comte Goluchowski sur la forme et les termes de l’arrangement conclu, en 1891, à Saint-Pétersbourg, entre l’Autriche-Hongrie et la Russie. Le ministre a répondu qu’il n’existait pas de convention formelle et écrite, mais un simple échange de vues verbal sur la nécessité pour les deux gouvernemens d’imposer la paix dans les Balkans au moyen d’une action simultanée à l’égard des différens peuples qui les habitent. » Le marquis de Reverseaux à M. Delcassé, 13 mai 1902. Livre jaune de 1902, n° 20.