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s’exaspéraient, la lutte devenait plus implacable, plus féroce. La méthode terroriste de Sarafof l’emportait. Un immense réseau révolutionnaire couvrait la Macédoine ; 30 000 hommes tenaient la campagne ; les Turcs n’étaient plus maîtres que des villes.

Un pareil mouvement, lorsqu’il répond au vœu passionné de la grande majorité de la population, et lorsqu’il est suffisamment préparé, doit réussir très rapidement, ou bien il est condamné à l’échec final. L’insurrection de 1885, à Philippopoli, avait triomphé sans résistance ; celles de 1902 et de 1903 furent moins heureuses. Le désaccord entre les chefs, la concurrence des diverses propagandes et l’antagonisme des bandes opposées firent la partie belle à l’énergique répression dirigée par le gouvernement. La Bulgarie, dont on avait escompté l’entrée en campagne, hésitait, cédait aux conseils impératifs de l’Europe, se rapprochait de la Turquie. Quand l’hiver 1903-1904 suspendit la fureur des partis, il était déjà certain que le mouvement révolutionnaire ne serait pas, à lui tout seul, assez fort pour arracher aux Turcs les vilayets macédoniens. Les trois années qui suivirent, la Macédoine resta, — elle l’est encore, — troublée et sanglante ; mais la possibilité d’une insurrection générale victorieuse était, d’ores et déjà, écartée ; il ne s’agissait plus que d’une guerre de chicane et de représailles où, tour à tour, les différentes nationalités ont paru prendre le dessus. En 1904, la campagne appartint encore aux Bulgares ; mais, à partir de 1905, les Puissances ayant résolument pris en main l’exécution des réformes, le mot d’ordre des Comités bulgares fut de ne pas entraver leur initiative, de laisser le champ libre à leur expérience. Grecs et Serbes en profitèrent pour redoubler d’efforts, multiplier les bandes et faire reculer la propagande exarchiste ; mais la prolongation indéfinie du désordre et des massacres montrait assez l’échec de la révolution violente comme aussi l’insuccès de la répression brutale. La solution révolutionnaire bulgare reconnue impossible, et impossible également la solution turque, restait la solution européenne.


II

La « solution européenne, » elle est depuis longtemps connue : c’est la politique des « réformes. » Essayant ici[1]d’en montrer

  1. Voyez la Revue du 15 septembre 1906, p. 283.