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d’Etchézar, ou encore dans les pages de la fin, qui, si aisément, auraient pu prêter à des insinuations « anticléricales : » songez à ce que fût devenu le sujet entre les mains de tel autre de nos romanciers contemporains ! Au contraire, la vertu pacifiante de la religion semble se communiquer non seulement aux deux jeunes gens, venus dans des dispositions si différentes, mais à l’écrivain lui-même. « Sur lui sans doute agissent les mystérieuses puissances blanches qui sont ici dans l’air ; » et le drame se termine sur une impression de mélancolique douceur, d’humble résignation religieuse, qui contraste avec l’âpre accent de désolation désespérée que nous avons noté dans Pêcheur d’Islande. Oui, peut-être, semble ici conclure Loti, le christianisme est probablement une illusion ; mais, après tout, cela n’est pas absolument sûr ; et si c’est un leurre, n’est-ce pas le plus respectable, le plus bienfaisant des leurres ? « Faire les mêmes choses que depuis des âges sans nombre ont faites les ancêtres, et redire aveuglément les mêmes paroles de foi, est une suprême sagesse, une suprême force, » déclare-t-il à plus d’une reprise. « Il ne sait pas, dit-il encore en parlant de Ramuntcho, qu’il est sage de se soumettre, avec confiance quand même, aux formules vénérables et consacrées, derrière lesquelles se cache peut-être tout ce que nous pouvons entrevoir des vérités inconnaissables. » A l’acquisition, ou plutôt à l’intelligence de cette « sagesse, » les radieuses visions du lac de Tibériade n’ont pas été étrangères.

La même inspiration, avant de se perdre une fois encore, va se retrouver dans quelques-unes des œuvres qui vont suivre. Un jour, en décrivant une messe de minuit dans un couvent espagnol, il appellera bien le Christ, il est vrai, « le fictif triomphateur de la mort. » Mais, un autre jour, s’il vient à parler de Daudet et des dispositions morales de ses dernières années.


J’aurais voulu suivre, — nous dit-il, — imiter l’évolution intime île son âme revenant peu à peu, du fond des abîmes froids et noirs, vers des idées d’immortalité, des idées presque chrétiennes, de pardon et d’éternel amour ; rien de précis peut-être, mais une foi dans une justice suprême, dans des Au-Delà resplendissans et tranquilles. Et je crois que sa belle sérénité, son oubli de soi-même et de son mal, sa patience d’héroïque martyr, lui venaient un peu de là.


Qu’on lise enfin, dans Reflets sur la sombre route, les très belles pages intitulées Nocturne, si belles, qu’elles font un peu