Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 39.djvu/643

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

promis je ne sais quelle révélation spéciale de Jésus, il se découvre « l’âme plus déçue, vide à jamais, amère et presque révoltée, » ce ne sont pas là les seules impressions qu’il ait rapportées de la terre des miracles. À l’apparition de Bethléem, des larmes infiniment désolées, mais si douces, » comme une « dernière prière, » lui montent aux yeux, et il va jusqu’à se reprocher son « dédain de raffiné » pour tout ce qui « enchante et console la foule innombrable des simples. » En montant à Jérusalem, il note « des instans de compréhension du lieu où il est, — et alors d’émotion profonde, — mais tout cela furtif, troublé, emporté par le bruit. » Puis, au Saint-Sépulcre, il sent « se faire en lui comme un réveil de la foi des aïeux, » et quand la religieuse qui raccompagne lui montre les vestiges des voies hérodiennes, « me voici, dit-il, ému autant qu’elle-même et, pour un temps, je ne doute plus. » « On s’imagine ne plus rien croire, dit-il ailleurs, mais tout au fond de l’âme subsiste encore obscurément quelque chose de la douce confiance des ancêtres. » Et enfin, dans sa dernière visite au Saint-Sépulcre :

C’était inattendu et sans résistance possible : dans ce retrait du pilier qui me cache, voici que je pleure moi aussi ; que je pleure enfin toutes les larmes accumulées et refoulées pendant mes longues angoisses antérieures, au cours de tant de changeantes et vides comédies dont mon existence a été tramée. On prie comme on peut, et moi je ne peux pas mieux…

Et, en ce moment, si étrange que cela puisse paraître venant de moi, je voudrais oser dire à ceux de mes frères inconnus qui m’ont suivi au Saint-Sépulcre : Cherchez-Le, vous aussi ; essayez… puisqu’en dehors de Lui il n’y a rien !… Peut-être le trouverez-vous mieux que je n’ai su le faire… Et d’ailleurs, je bénis même cet instant court où j’ai presque reconquis en Lui l’espérance ineffable et profonde, — en attendant que le néant me réapparaisse plus noir, demain. [Jérusalem, p. 220-221.]

Espérance bien instable sans doute, et bien troublée, que les touchantes évocations du lac de Tibériade prolongeront encore un peu, mais qui ne résistera pas longtemps aux mille sollicitations de la vie sensible, aux suggestions du tempérament individuel. Du moins, lame du poète a été touchée en ses profondeurs, et elle est sortie en partie renouvelée de cette expérience.

Donc, il s’achève ce soir, notre pèlerinage sans espérance et sans foi… En nous s’est affirmée d’une façon plus dominante le sentiment que tout chancelle comme jamais, que, les dieux brisés, le Christ parti, rien n’éclairera notre abîme… Et nous entrevoyons bien les lugubres avenirs, les âges