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relatives, d’être au-dessous, trop au-dessous de ma tâche, et quand je faisais des rapprochemens avec les richesses bovines de la Belgique, de Bade, du Wurtemberg, je ne pouvais m’empêcher de me dire à moi-même comme le Sosie d’Amphitryon : Peste ! où prend mon esprit toutes ces gentillesses ! Mais je me suis habitué à me trouver savant, et comme on paraît content de mon travail au ministère, je pense le mener à bonne fin, bien que tous ces calculs ne soient pas une plaisanterie. Du reste, si l’on considère combien les Suisses sont utilitaires, je crois (et je n’ai pas de goût pour tout voir dans l’économie politique, comme c’est la manie actuelle) qu’il y a de bonnes armes diplomatiques à ramasser dans les rapports douaniers que nous avons avec la Confédération. Je ne vous dis pas que lorsque vous serez à Paris, je serais très heureux que vous demandiez à Hercule de Serre mes rapports commerciaux ; mais j’en serais pourtant bien heureux et je voudrais bien que vous m’en disiez votre avis.

ARTHUR DE GOBINEAU.


Tocqueville, le 13 septembre 1850.

Je suis bien en retard avec vous, mon cher ami, et je le regrette ; car j’aime à vous écrire et surtout à recevoir les lettres que vous m’écrivez. Mais j’ai mené depuis quelque temps une vie qui ne se prêtait pas à la correspondance. Les journaux vous ont appris que j’ai été à Saint-Lô présider le Conseil général et qu’ensuite je suis revenu à Cherbourg pour recevoir et haranguer au nom de ce même Conseil le Président de la République. J’imagine que vous recevez le Moniteur à Berne et que vous y aurez lu mon discours au Président et la réponse de celui-ci. Je ne vous donne pas mon oraison pour une pièce de haute éloquence, mais comme un exercice d’équilibre dans lequel j’espère avoir passablement réussi. Il s’agissait de rester constitutionnel en étant empressé et de mêler la vérité au compliment quoique ce soit une sauce à laquelle on ne la met guère d’ordinaire. Le Président a été constamment plein d’attention et d’amabilité pour moi, bien que mon naturel et ma santé m’aient empêché de lui montrer le même degré de zèle que la plupart de mes collègues de députation lui faisaient voir. Ma santé, en effet, et c’est là le plus vilain côté de mon tableau, est loin de me satisfaire. Tant que j’ai vécu tranquille à la ca pi pagne e dans un