Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 39.djvu/605

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la foi religieuse et du doute sur l’autre monde. Quelque chose d’analogue s’est toujours vu, je crois, dans des circonstances semblables.

Parmi les choses vraiment nouvelles (et parmi celles-là il y en a plusieurs que je trouve très belles) la plupart me paraissent découler directement du christianisme. C’est du christianisme appliqué par des lumières plus étendues, des formes politiques autres, un état social différent. Ce sont en un mot de nouvelles conséquences tirées d’un ancien principe.

Vous croyez donc la révolution qui s’opère parmi nous plus originale et plus généralement bienfaisante que je ne le pense. Mais vous la voyez, et c’est là l’important pour ce que nous avons à faire. La plupart des signes qui la manifestent à vos yeux, la montrent également aux miens, et plus vous parviendrez à la signaler, plus votre travail me sera utile. Je crois donc que l’espèce de conversation épistolaire que nous venons d’avoir aura eu un résultat très satisfaisant, celui de préciser, autant que la chose se peut, la direction dans laquelle il faut pousser vos recherches et les traits de chaque livre auxquels il faut s’attacher. Le christianisme est le grand fonds de la morale moderne ; tout ce qui dans les lois, les usages, les idées, les systèmes philosophiques, vous paraîtra contraire aux données fournies par le christianisme, ou seulement différent de lui, doit être recueilli par vous et bien mis en lumière, c’est la première règle à suivre ; car ce que j’ai surtout à faire connaître, ce n’est pas la morale de notre temps, mais ce qu’elle a de nouveau et de différent de celle qui l’a précédée. Le sujet ainsi limité est œuvre d’une immensité désespérante. Que n’embrasse-t-il pas ? Les applications diverses seront bien plus difficiles encore à montrer que les nouveaux principes. Les modifications introduites depuis un demi-siècle dans les législations civiles et criminelles, en tant que manifestation de cet esprit nouveau, seraient seules, si on le voulait, la matière d’un gros livre. Quand je songe à cela, je suis sans cesse sur le point d’envoyer immoralement au diable soit l’Académie des sciences morales qui m’a imposé cette grande tâche, soit la politique qui m’empêche de la remplir.

Pour en revenir à vous, vous continuez avec les auteurs anglais, me dites-vous ? J’approuve ce dessein, car ainsi que je vous le disais, vos derniers travaux sur ces auteurs me paraissent excellens. Je crois qu’après, vous ferez bien de retourner à votre