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le genre épistolaire. A celui-là même qui ignorerait la renommée de l’écrivain et sa brillante carrière politique, la lecture de la correspondance que nou9 présentons aujourd’hui au public suffirait à révéler un caractère noble et élevé, un penseur sagace et profond, un politique éminent.

Quant à l’importance qu’ont eue ces lettres pour la vie de Gobineau, il n’est même pas besoin d’en parler. Elles parlent d’elles-mêmes. Il est donc tout naturel que Gobineau les ait gardées avec la piété la plus scrupuleuse, et comme le hasard et les accidens qui ont atteint d’ordinaire les papiers de Gobineau, ont respecté cette correspondance, nous sommes en mesure de publier jusqu’au dernier mot que Tocqueville ait écrit à son disciple et ami.

Il n’en est pas de même pour Gobineau. Non seulement, une partie de ses lettres, et justement des plus importantes, n’a pu être retrouvée jusqu’ici, mais celles qui existent encore et qui ont été mises à notre disposition avec la plus parfaite amabilité par l’héritier de Tocqueville, M. le comte de Tocqueville, offrent pour la publication dans une revue de grandes difficultés, surtout par leur longueur extrême. Plusieurs d’entre elles sont de vrais mémoires qui, bien que fort intéressans et dignes, sous tous les rapports, des louanges que Tocqueville ne cesse de leur prodiguer, ne pourront cependant être livrés à la publicité que lorsque cette correspondance paraîtra en volume, ce qui ne pourra manquer d’arriver un jour. Pour le moment, nous nous sommes borné à insérer ça et là des extraits des lettres de Gobineau se rapportant ou répondant à celles de Tocqueville, et d’en publier quelques-unes intégralement à titre de spécimen.

Nous avons, d’ailleurs, cru devoir combler, par quelques rares notes explicatives ou biographiques, les lacunes indiquées et, somme toute, nous pensons que même cette publication restreinte ne pourra qu’être profitable à la mémoire de deux hommes éminens, qui, par les affinités comme par les contrastes qu’ils offrent entre eux, ont des droits égaux à notre intérêt et à notre sympathie.

Les origines de leur amitié ne nous sont pas connues. Mais on se les expliquera facilement en considérant que tous deux étaient issus de familles royalistes et qu’ils avaient des amis communs, comme le comte de Kergorlay.

Les lettres des premières années traitent presque exclusivement d’un travail sur le développement de la morale dans les temps modernes que Tocqueville préparait, avec la collaboration de Gobineau, pour l’Académie des Sciences morales et politiques. Nous ne savons pas ce qu’est devenu ce travail ; il ne se trouve ni dans les Mémoires de l’Académie, ni dans les œuvres complètes de Tocqueville. M. de