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Ce sont alors de tout autres impressions qui se dégagent. C’est la poésie du planisphère, la révélation de l’ossature géologique du globe, le quadrille des flottes éparses sur la mer, la figure des villes sur le fond des plaines, la forme du manteau sombre des forêts jeté sur la montagne, le style de la coupe où dort le lac, le paraphe du fleuve clair au fond de la vallée, la direction des plis du calcaire, le sens des érosions du granit, les dents pointues des roches parmi l’écume, et le tambour retentissant de la mer… Quand nous regardions un port du fond d’une barque ou des marches du quai, le moindre objet de premier plan : une voile, un agrès, un baril, nous cachait des centaines de navires énormes, et jusqu’à la forme de la rade, en sorte que nous ne savions point si nous étions au fond d’une petite crique ou au bout d’une jetée ; mais montons sur un toit ou sur la côte et, de là, voyant le grand contour de la terre et de la mer et le troupeau des barques serrées à l’abri des vents, nous aurons l’impression même du Port. Et c’est ce que montre M. Le Gout-Gérard.

Pareillement, sur la plage d’un golfe, nous ne saurions ressentir l’impression distincte produite par la forme des côtes. Montons sur une hauteur et, en voyant se dessiner le demi-cercle bleu ou grisâtre, nous aurons l’impression du Golfe. Et c’est ce qu’a montré, l’an dernier, M. René Ménard.

Enfin, une île ne paraîtra telle que si on la voit d’assez loin et d’assez haut pour que, tout autour d’elle, la mer s’aperçoive ou, au moins, se devine. Et quiconque veut donner une idée de la flotte ou de la flottille, c’est-à-dire l’impression d’une foule humaine poussée vers Je même but, par la même force invisible, sur des centaines de bateaux, doit observer la sortie des pêcheurs de Concarneau, non pas de la plage, mais du haut des remparts, et par conséquent, mettre très haut dans sa toile la ligne d’horizon. Et c’est ce qu’a souvent montré à Tréboul, par exemple, M. Henri Rivière.

Aussi, tandis que les paysagistes d’autrefois nous donnaient des vues prises dans un port, dans une flotte, dans un golfe, dans une ville, dans des rochers, dans une forêt, dans un estuaire, par un jour d’hiver, vues où ces choses, étaient simplement destinées à jouer un rôle dans un ensemble scénique et décoratif manifestement choisi pour le balancement des lignes ou pour la chanson des couleurs, le paysagiste moderne nous donne un impression topique et unique, un aspect limité à l’idée même