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secondaires et de l’image entière qu’on se fait des choses. Seulement, quand on parle de la vie, ces mots « mettre très haut son horizon » semblent signifier « regarder très loin et très haut. » Dans un tableau, mettre très haut la ligne d’horizon, ou, en d’autres termes, faire monter très liant dans le cadre les lignes qui conduisent au point de fuite, cela veut dire regarder plus près et plus bas. C’est le parti qu’adoptent, maintenant, tous nos peintres. Ils semblent tous avoir grimpé leur chevalet sur une tour au milieu de la campagne, ou dans un moulin au-dessus du canal, ou, en pleine ville, à un cinquième étage. Et ils regardent à leurs pieds.

Alors, ils voient des choses et ont des impressions qui leur étaient soustraites par le moindre incident des premiers plans lorsqu’ils étaient eux-mêmes dans la plaine. Ils ne voient plus le ciel, le soupçonnent à peine, mais découvrent sur la terre et dans l’eau, des figures nouvelles. Thaulow voit les tourbillons, les remous, les losanges et les rhombes formés par les nappes d’eau qui s’approchent et, divisées un instant, cherchent à regagner le centre du courant, les bouillonnemens aux obstacles. Il les voit du même œil que, d’un cinquième étage, le spectateur voit les multiples mouvemens d’une foule s’écoulant et se culbutant parmi tous les obstacles entre les parois d’un boulevard. M. Dauchez voit, comme un joueur d’échecs son damier, les casiers multicolores des champs cultivés où la longue route qu’il reste à faire au piéton pour gagner son Village lointain, déroule son contour et insère sa trace. M. Labrouche (estampes nos 1700 et 1701) voit de très haut, comme d’une hune Le port de Pasajes, ses eaux, ses barques et la corniche de ses quais. M. Bellery-Desfontaines, M. Maufra, M. Cailliot, Mme Marie Gautier, bien d’autres encore, sont montés sur les falaises pour épeler les découpures des côtes ou bien les figures des rochers plongés dans l’Océan, ainsi que l’avait fait M. Boulard dans sa Falaise de Sotteville, aujourd’hui au Luxembourg. Autrefois, on peignait l’Océan vu de la plage. On allait se mettre avec les pêcheurs de crevettes et il suffisait d’un rocher pour cacher la découpure des côtes ou l’éparpillement des îlots. Maintenant on grimpe le plus haut qu’on peut, avec les douaniers ; on voit le fond des barques, les échelons successifs de l’armée des vagues qui s’avance, et le grand trait géographique d’une région se dessine dans une sorte de « vue planée. »