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qui se ralliaient à nos principes. Je soutins cette sage proposition, à laquelle personne n’osa s’opposer ouvertement. On examina alors si l’on procéderait par invitation personnelle ou par appels collectifs dans les journaux. Cette dernière forme adoptée, restait à fixer le jour de la réunion. Les pointus proposèrent le lendemain samedi 27. On leur répondit que l’appel serait dérisoire s’il était fait dans un délai aussi court, et, par la majorité de 27 voix contre 21, le dimanche 28 fut préféré. « Alors, s’écrie Chambrun en frappant sur la table, la minorité se réunira ici samedi. » Tel fut le commencement du Centre Gauche de 1870. On avouera qu’il ne fut pas très sérieux. Ils en rougirent eux-mêmes, et s’empressèrent de déclarer qu’il ne s’agissait pas d’une scission, et que si la minorité se réunissait le samedi afin de mieux se concerter, elle se rendrait néanmoins à la réunion générale du dimanche. La vérité est que les dissidens s’étaient reconnus et groupés, et qu’ils attendaient un prétexte pour afficher une séparation, qui tenait à des mécontentemens personnels, à des sentimens que j’aime mieux laisser deviner qu’exposer. Ils comprenaient en outre que l’accession des députés de droite allait donner à ma politique de prudence une supériorité qu’elle n’aurait pas eue si nos délibérations étaient demeurées dans un cercle plus étroit. Le dimanche 28, à une heure, ceux qui se présentèrent étaient si nombreux qu’aucun bureau ne suffit à les contenir. On se rendit dans la salle du trône. Daru, désigné comme président, termina une allocution sur ces mots : « Nous voulons tous le maintien de l’Empire appuyé sur des institutions libérales et parlementaires, c’est le lien qui nous unit. Ceux qui veulent l’Empire sans des institutions parlementaires ou des institutions parlementaires sans l’Empire n’ont pas le droit d’être ici. Leur place est ailleurs. » Le nouveau Centre Gauche subit une nouvelle défaite : l’assemblée décida à une grosse majorité que l’interpellation qu’il proposait serait déposée seulement après la vérification des pouvoirs.

Mais m’être affranchi du Centre Gauche ne suffisait pas. Il fallait constituer en dehors de lui une majorité libérale dont le programme ne permettrait plus aucune équivoque. Le 1er, le 2 et le 3 novembre, nous nous réunîmes chez Josseau, avocat distingué du barreau de Paris, sympathique à tous, et le programme suivant fut arrêté : « Considérant que le devoir des représentans de la nation est de formuler les vœux de l’opinion publique ;