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les grandes réformes qu’ils ont faites, après en avoir annoncé de si nombreuses et de si belles, et il a conclu qu’une seule avait été réalisée jusqu’ici, l’augmentation du traitement des députés et des sénateurs. Il aurait pu ajouter la laïcisation des fêtes de Jeanne d’Arc à Orléans. Mais ces réformes ne sont pas de celles qu’on avait promises aux électeurs ; on s’est bien gardé de le faire ; ce sont des surprises qu’on leur a ménagées.

Il résulte de tout cela que la session commence sous des impressions moroses et au milieu d’un malaise général. La Chambre sent son impuissance ; le ministère sent son incohérence ; on cherche le remède sans le trouver. Il ne pourrait être que dans un changement complet de nos mœurs politiques, et ce changement exigerait pour se produire une somme d’énergie que personne n’a plus. Nous avons dit que M. Steeg avait dénoncé les abus du favoritisme. « Vous n’avez peut-être jamais recommandé personne ? » lui a demandé M. Clemenceau : « Comment voulez-vous que je puisse faire autrement ? » a-t-il répondu. — « C’est admirable ! » s’est écrié M. Clemenceau. — « C’est tout le régime, » a ajouté M. Charles Benoist. Et, en effet, c’est tout le régime, et c’est admirable. Les mauvaises habitudes sont prises : on ne peut plus « faire autrement. » Mais où cela nous conduit-il ?


M. le prince de Bülow a prononcé au Reichstag un discours qui était attendu, en Allemagne et ailleurs, avec un intérêt que les circonstances avaient rendu très vif. S’il n’a pas complètement répondu à ce qu’on en attendait, ce n’est sans doute pas la faute du chancelier impérial, mais celle des circonstances. L’opinion, en Allemagne, est devenue très nerveuse depuis quelques mois : les esprits sont tendus, les cœurs sont agités, et cet état de choses ne pourrait pas se prolonger longtemps sans présenter enfin quelques dangers. Nous espérons que toute cette émotion se dissipera parce qu’elle est vraiment factice, non pas qu’elle ne soit pas sincère chez ceux qui l’éprouvent, mais parce qu’elle ne répond pas à la vérité des choses.

Les mots qui reviennent le plus souvent dans la presse allemande sont ceux d’« isolement, » d’« enserrement, » d’« encerclement. » La presse dénonce toutes sortes de mauvais desseins et presque une conspiration de la plupart des puissances contre l’Allemagne, qu’elles s’efforceraient d’isoler et d’enfermer dans un cercle menaçant. Ce sont là de pures imaginations, mais d’où viennent-elles ? L’Allemagne s’était longtemps habituée à fonder sa sécurité, non pas seulement sur la triple alliance, mais encore sur l’isolement des puissances qui n’en