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le gouvernement considère comme un intérêt politique, c’est-à-dire comme un intérêt plus ou moins bien compris de sa situation, à lui. Quant aux agens révoqués ou disgraciés, personne ne les défend dans le conseil ; ils sont livrés par leur chef ; ils servent d’otages à une politique sans franchise et sans dignité. Et de pareils faits passent presque inaperçus, sans soulever la réprobation et l’indignation qu’ils méritent ! Nous les signalons avec tristesse. Ils sont d’autant plus graves que, portant sur nos représentans au dehors, ils mettent l’étranger dans la confidence de nos misères intérieures, — et c’est même pour ne pas aggraver cet inconvénient que nous n’y insistons pas davantage.

Que dire des fêtes de Jeanne d’Arc à Orléans ? Tout ce que nous craignions il y a quinze jours est arrivé. Le cortège, moitié militaire, moitié civil, s’est déroulé à travers les rues : il y avait les francs-maçons, il n’y avait pas le clergé. La fête perdait par là le caractère de représentation historique qui en faisait le principal intérêt ; elle n’était plus qu’une parade comme une autre ; l’âme du passé n’y était plus ; aucun bariolage de couleurs modernes ne pouvait suppléer à son absence. Conséquence encore plus regrettable peut-être, ces fêtes qui étaient un symbole d’union sont devenues un symbole de désunion entre Français, et de désunion si complète que, dans le conseil municipal, lorsqu’on a voté pour savoir si une invitation serait adressée aux francs-maçons, 14 voix se sont prononcées pour et 14 contre : celle du maire a été prépondérante. N’est-ce pas le maximum de division possible ? La ville d’Orléans s’est résignée, comme on se résigne à tout aujourd’hui, à ce bouleversement introduit par la politique dans une de ses traditions les plus anciennes et les plus respectables ; mais les cœurs ont été ulcérés. Et pourquoi tout cela ? pour rien, pour satisfaire à une fantaisie de M. Clemenceau. Personne, à Orléans, ne songeait, cette année plus que l’année dernière, à changer les élémens constitutifs d’un cortège séculaire. Les francs-maçons ne demandaient pas à y être représentés : il a fallu qu’on mit de l’insistance à piquer leur amour-propre pour qu’ils en exprimassent le désir. Le sentiment général était de laisser les choses en l’état. Seul M. Clemenceau ne l’a pas voulu et il l’a emporté. — Tout doit évoluer, a-t-il dit dans sa lettre au Conseil municipal d’Orléans : il faut substituer aux traditions et aux forces anciennes des traditions et des formes nouvelles. — Nous voyons bien ce qui s’en va ; nous voyons moins bien ce qui le remplacera. M. Gauthier de Clagny, dans le très spirituel discours qu’il a prononcé à la Chambre, a demandé au gouvernement et au Parlement lui-même quelles sont