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REVUES ÉTRANGÈRES

LA JEUNESSE D’UN POÈTE ALLEMAND


Aus Chamisso’s Frühzeit, par Ludwig Geiger, 1 vol. in-18 ; Berlin, 1906.


Parmi les griefs divers que peut invoquer notre poésie contre les hommes et les choses de la Révolution, le plus fort, assurément, restera toujours la mort prématurée d’André Chénier : mais j’ai souvent pensé que la Révolution avait causé aux lettres françaises un autre dommage à peine moins grave lorsque, vers la fin de l’année 1790, elle avait forcé à sortir de France une excellente famille de gentilshommes lorrains, les Chamisso (ou Chamissot) de Boncourt. Car il y avait dans cette famille un enfant, alors âgé de neuf ans, Louis-Charles-Adélaïde de Chamisso, qui, ayant reçu de la nature une âme essentiellement « poétique, » et, avec cela, toute française, mais transplanté en Allemagne au moment de la vie où l’esprit des enfans adopte à jamais, pour ainsi dire, sa nationalité intellectuelle, soumis à une éducation allemande, bientôt uni d’une étroite amitié avec de jeunes écrivains allemands, allait fatalement prendre l’habitude de « penser » dans la langue de sa nouvelle patrie, et d’employer au service d’une littérature étrangère le don précieux de poésie qu’il portait en soi.

Non pas que l’auteur de Pierre Schlemihl ait été un grand poète allemand. Les « naturalisations » du genre de celle qu’il avait dû subir ne s’accomplissent jamais d’une façon absolue. La langue même lui