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pays. Ce serait une question de savoir, pour un théologien, si ses œuvres les plus mystiques, la Pièce aux cent florins ou la Petite tombe, le Bon Samaritain ou les Pèlerins d’Emmaüs, par la tendresse de l’effusion, le caractère d’intimité, de confiance qu’elles expriment en la divine Personne, — même par certains signes, comme le mystérieux halo qui remplace le nimbe, — ne sont pas d’un sentiment bien éloigné de la rude orthodoxie de la prédestination. Je ne fais qu’indiquer ces points. Dans ces matières délicates, tout est affaire de mesure. Il faut surtout se garder de prononcer à la légère. La Hollande, aux dernières fêtes, a été mieux inspirée. Pour conserver de la solennité un souvenir durable, une Bible monumentale fut publiée à Amsterdam et illustrée à profusion d’estampes, de dessins et de tableaux du maître. Il fut fait de l’ouvrage une double édition. L’une suit le texte national du synode de Dordrecht, l’autre se conforme à la version de la Vulgate. Les images sont identiques dans l’une et l’autre. Rembrandt reste indivis entre les deux Eglises. Par-delà les inimitiés de confession et de symboles, par-delà la Lettre qui tue, il a su retrouver l’Esprit qui vivifie et l’amour qui unit les hommes.


IV

Qu’on dût un jour soulever à propos de Rembrandt des problèmes de cet ordre, c’est ce qui eût bien étonné les Français de la Régence, qui l’avaient regardé comme le plus puissant des praticiens et le plus borné des réalistes. Mais aussi bien, depuis son avènement de penseur, on avait vu dans son œuvre une foule de choses, une philosophie, une religion, une politique, une sociologie : on n’oubliait que la peinture. Après tant de littérature, il était temps de parler métier. Était-il vrai que dans ses tableaux il y eût tant de mystères ? Et s’ils n’y étaient pas par hasard, d’où en venait l’illusion ? Mais s’ils s’y trouvaient au contraire, en quelle langue et par quels moyens étaient-ils exprimés ? Quelles étaient au juste, et en termes de peintre, les idées de l’artiste ? Que nous révèle son style, de son tempérament et de ses intentions ? C’est à quoi Eugène Fromentin, un grand peintre qui était un très grand écrivain, se propose de répondre dans ses Maîtres d’autrefois. Le livre est depuis longtemps classique, et personne mieux