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J’entendis vos chansons, rossignols invisibles !
J’ai vu la mer pâlir sous le ciel rose et vert
Et le mont tout entier devenir si paisible
Que rien ne semblait vivre à son sommet désert.

Puis, les lointaines voix des oiseaux se sont tues ;
Et, ramant lentement sur le flot dépourpré,
Un moine nous offrit un panier de laitues
El des poissons d’or clair au fond d’un seau cuivré.

Et tout s’est effacé ; les sentiers et les plages,
Et l’ombre même du Mont Athos respecté
Où, loin du décevant amour, vivent des sages
Dans la mélancolie et la sérénité.


LE CIMETIÈRE DES POÈTES


Dans Brousse la Sainte, parmi
L’orge d’argent et ses aigrettes,
Le cimetière des poètes
Dans ses pavois semble endormi.

Sous leurs pierres enturbannées
Sont à jamais silencieux
Les poètes jeunes ou vieux
Morts pleins de force ou lourds d’années.

Ceux qui célébrèrent la mort
Et ceux qui chantèrent la vie
Ont tous la main sèche et roidie
Quand leurs strophes vivent encor.

Car ayant déployé leurs ailes
Hors des plumes ou des pinceaux,
Elles planent sur les tombeaux
Mieux que les noires hirondelles.

Ils sont tous là, sages ou fous,
Amans des mots et des images,
Ils sont tous là, les fous, les sages,
Les poètes ardens et doux !