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POÉSIES


O RÊVE…


O rêve étrange et doux, ô cher rêve, mon frère !
Viens ce soir te pencher sur moi pour m’apaiser ;
Sur mon front douloureux où bat mon âme amère
Pose un instant ton aile ainsi qu’un grand baiser.

Je ne t’ai jamais vu, mon rêve, et j’imagine
Une immense douceur à tes yeux inconnus ;
Mystérieux ami, que ta bouche divine
Me murmure des mots par moi seule entendus.

O cher rêve ! pourquoi tant d’espoir inutile
Et ces élans sans but, et ces heurts trop nombreux,
Contre la dure vie et le réel hostile ?
Et toujours ce désir, de vouloir être heureux !

Aucun plaisir pour moi n’est assez beau.
Mon rêve, Je sais tous les secrets des cœurs trop torturés,
Et puisque rien ne dure et puisque tout s’achève,
Je veux m’ensevelir entre tes bras sacrés.

S’il faut que toute joie apporte son désastre,
Je ne veux plus avoir que de mornes matins,
Je n’aurai plus de fleur et je n’aurai plus d’astre,
L’une est trop éphémère, et l’autre est trop lointain.