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La différence des langues a certainement une grande valeur pour le classement des races, au moins lorsque les langues sont aussi différentes que le grec et le bulgare, par exemple. Que voyons-nous cependant ? Des Slaves dont les pères parlaient grec, qui parfois parlent grec eux-mêmes et qui cependant se déclarent Bulgares et apprennent à leurs enfans le bulgare. Ils n’ont pas changé de race, c’est seulement leur volonté, leur conscience nationale, qui s’est modifiée. Des Valaques, dont les pères ont combattu pour l’indépendance de la Grèce, qui parlent eux-mêmes grec et qui, il y a dix ans, se croyaient Grecs de très bonne foi, se déclarent aujourd’hui Roumains avec la même bonne foi. Dans le vilayet de Monastir, des milliers de Slaves se sont déclarés tout simplement patriarchistes ; ils ne veulent pas dire s’ils sont Serbes ou Bulgares, et chacun des partis les range de son côté dans ses statistiques. Il n’est pas sûr que ces pauvres gens sachent eux-mêmes s’ils sont Serbes ou Bulgares ; ils ne sont sûrs que d’une chose, c’est qu’ils ne sont pas Turcs. Comment, dans de telles conditions, établir une statistique ? Le recensement d’Hilmi Pacha, que nous avons cité, ne classe les habitans que par religions, d’après leurs déclarations ; il laisse ainsi subsister des causes de confusions et d’erreurs considérables. C’est un inconvénient qu’il semble d’ailleurs impossible d’éviter. Il est piquant et caractéristique de comparer les chiffres donnés, selon leurs nationalités, par les divers ouvrages qui se sont occupés de la Macédoine[1]. Toutefois, même dans les livres ou les brochures qui donnent les conclusions les plus opposées, apparaissent un certain nombre de faits que l’on peut regarder, au moins grosso modo, comme unanimement reconnus. Par exemple, en Vieille-Serbie, au Nord du Char, les chrétiens sont tous Serbes et les musulmans tous Albanais ; l’habitat des Albanais est marqué, sur toutes les cartes, à peu près dans les mêmes limites, de même celui des colonies turques ; personne ne conteste non plus que, dans la moyenne vallée de la Bistritza, dans la péninsule Chalcidique et dans la plupart des ports, la

  1. Voici le tableau donné par M. Cvijic à la fin de sa brochure :
    Auteurs Turcs Bulgares Serbes Grecs Albanais Valaques Divers juifs «
    tsiganes, etc. Totaux
    Gobchovitch (Serbe). 231 400 57 600 2 048 320 201 140 106 620 74 465 101 875 2 880 420
    Kantchef (Bulgare). 489 064 1 184 036 700 222 152 124 211 77 267 147 244 2 248 274
    Slaves macédoniens «
    Nicolaides (Grec). 576 000 454 000 656 300 « 41 200 91 700 1 820 500
    Oestroich (Allemand) 250 000 2 000 000 200 000 300 000 100 000 « 2 000