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Roumains ce qu’il admet pour les Serbes qui ont en Macédoine deux évêques de leur nationalité ? En se montrant libéral, le patriarcat aurait pu conserver dans son obédience toutes les populations valaques qu’il semble vouloir poussera bout et qu’il réduit à s’adresser à la Porte pour obtenir la reconnaissance d’une Eglise autocéphale roumaine. Malheureusement le patriarcat œcuménique, aujourd’hui, est aux mains des riches banquiers grecs de Constantinople qui constituent le Saint-Synode et qui font et défont les patriarches au gré de leurs intérêts et selon les besoins de leur politique ; le patriarche n’est plus le chef de l’orthodoxie, il n’est que le chef de la nation grecque.

L’Eglise et le royaume entament donc, contre les roumanisans, une lutte qui, surtout à partir de 1878, devient de plus en plus acharnée ; la propagande hellénique s’organise ; subventionnée par le gouvernement d’Athènes, elle s’attaque surtout aux Valaques inoffensifs et désarmés, prêtres ou maîtres d’école, qui ne réclament que la liberté de parler et d’enseigner en roumain. Entre les deux races éclatent des rixes fréquentes, sanglantes ; on se dispute les enfans pour les écoles, les cadavres pour les cimetières ; les prêtres roumanisans sont molestés, persécutés, excommuniés. Les bandes grecques, organisées en ces derniers mois avec le concours du gouvernement, se montrent beaucoup plus ardentes à poursuivre les roumanisans, à menacer les villages qu’elles soupçonnent de tendances roumaines, qu’à s’attaquer aux bandes bulgares. Mais ni les violences des Grecs, ni les foudres du patriarcat ne réussissent à entraver le succès du mouvement : plus de cent écoles, avec plus de 6 000 élèves, sont ouvertes ; dans beaucoup de localités, des prêtres célèbrent l’office en langue roumaine.

L’appui bienveillant du gouvernement ottoman a aidé les Roumains de Turquie à braver les colères des Grecs. Les Valaques entendent rester les fidèles sujets du Sultan : s’ils l’ont jadis combattu, c’est au temps où ils agissaient sous l’inspiration de l’hellénisme et se faisaient les défenseurs d’une cause qui n’est pas la leur. On sait à la Porte et à Yildiz que l’on peut compter sur leur loyalisme et l’on voit sans inquiétude grandir en Macédoine une nationalité nouvelle dont la présence et les droits créent un contrepoids à l’hellénisme et au slavisme, et qui, pour n’être pas absorbée par ses puissans concurrens, a intérêt au maintien de la souveraineté du Sultan. La longue