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pendant des siècles, vinrent les unes après les autres battre ses murs en brèche et s’établir sous sa grande ombre. C’est elle qui a initié à la vie civilisée tous ces peuples slaves, serbes ou bulgares, lesquels, après l’avoir combattue, se sont estimés fiers de la servir. Ainsi apparaît l’hellénisme à travers les siècles, toujours aux prises, depuis les temps de Xerxès, contre une barbarie toujours renaissante ; jamais, au cours de ces luttes sans cesse renouvelées, le peuple grec ne l’a emporté par le nombre, mais c’est lui qui a tenu le flambeau ; l’hellénisme n’est pas une force brutale, il est une « idée. »

Mahomet II, maître de Constantinople et de la péninsule, ne distingue pas entre les chrétiens vaincus ; il institue le patriarche œcuménique de Constantinople chef de tous les « romains ; » entre le Sultan et ses « raïas, » le seul intermédiaire reconnu, c’est le chef de la religion grecque. Au-dessous du patriarche sont les métropolites, puis les communautés chrétiennes dont les biens sont administrés par des éphories ; il se forme ainsi, dans chaque village chrétien, une oligarchie gouvernante et possédante qui, sous l’autorité lointaine du Sultan, administre la communauté, propage les écoles et la liturgie grecques. Ainsi, durant des siècles, la seule organisation chrétienne qui subsiste sous la domination turque est une organisation grecque, la seule autorité reconnue est une autorité grecque, et c’est grâce à elles que l’idée chrétienne et hellénique survit et se retrouve un jour, intacte, sous la couche superficielle de l’Islam conquérant. Mais toute autorité a ses détracteurs, toute oligarchie ses envieux. Dans les villages, les paysans bulgares, nombreux dans certaines parties de la Macédoine, suscitent contre les éphories helléniques une opposition démocratique qui peu à peu se transforme en une opposition nationale : ils disputent à l’Eglise grecque la possession des lieux de culte. Les Grecs soutiennent que toute l’organisation religieuse étant grecque, les églises doivent appartenir aux Grecs, tandis que les Bulgares, partout où ils deviennent maîtres de la commune, prétendent devenir aussi maîtres de l’église et aspirent à constituer une organisation religieuse autonome. L’autorité turque, surtout après les guerres de l’indépendance grecque, se montre volontiers favorable à ces prétentions qui lui paraissent inoffensives et qui, en semant la désunion parmi les chrétiens, affaiblissent l’hellénisme et énervent la force de résistance des « raïas. » C’est pour