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cause pour les plus petites. Ainsi s’introduisent les querelles et les rivalités européennes, pour le compliquer davantage, dans l’imbroglio macédonien.

Depuis San Stefano et surtout depuis la révolution rouméliote, l’espérance de voir bientôt se constituer une Macédoine affranchie a surexcité les énergies de ces peuples ou fragmens de peuples. Ils ont ressuscité leurs titres oubliés, recherché leurs origines, rétabli leur généalogie, revivifié leur langage. Ils plaident aujourd’hui devant l’Europe la cause de leurs droits historiques à la suprématie de la Macédoine. Leurs plaidoyers méritent d’être entendus ; ils ont été préparés et arrangés pour les besoins de la cause, mais ils n’en représentent pas moins le point de vue de chacun des intéressés ; si tendancieux qu’ils puissent être, ils reflètent l’opinion que chaque groupe de population se fait de son passé, de ses droits, de son avenir. Quand il s’agit d’histoire et de politique, de telles prétentions, quelque illusoires qu’en puissent être les fondemens, sont des faits dont il est nécessaire de tenir compte. Nous ferons donc entendre d’abord, en nous appliquant à les présenter dans toute leur force, les argumens des parties, quitte à en faire ensuite la critique.


II

La race hellénique s’est fait un patrimoine de son histoire : le Grec est passé maître dans l’art d’évoquer les grands souvenirs dont il connaît toute la puissance de séduction ; il sait, avec une science raffinée du discours et de la mise en scène, les appeler à la rescousse des intérêts les plus modernes de sa politique nationale. Il n’ignore pas que, par le nombre, l’élément purement hellène ne peut prétendre à la majorité, si du moins l’on considère les trois vilayets comme constituant la Macédoine. Mais, disent les Grecs, qu’importe le nombre ; c’est la civilisation et l’histoire qui font la nationalité ; on juge d’une race par son élite et d’une élite par sa culture. Or, depuis Philippe et Alexandre le Grand, la Macédoine n’a-t-elle pas toujours brillé comme un foyer de civilisation hellénique ? Ne sont-ce pas les armes macédoniennes qui ont répandu l’hellénisme dans tout l’Orient ? Byzance, à son tour, a fait rayonner sur le monde la culture grecque. Par l’ascendant de son génie elle a, peu à peu, assimilé les nations barbares qui,