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elle-même singulièrement complexe et, qu’à vouloir trop simplifier les faits, on risquerait de les dénaturer ; et s’il gardait cette impression que la question est embrouillée et les solutions difficiles, c’est alors que nous aurions, nous, un peu l’espoir de la lui avoir fait comprendre.


I

L’affranchissement des États chrétiens des Balkans s’est opéré jusqu’à présent suivant une procédure très simple. Peu à peu, au cours du XIXe siècle, à mesure qu’ils reprenaient conscience d’eux-mêmes, les différens groupes nationaux se sont organisés, puis, l’heure venue, ils se sont soulevés contre l’autorité ottomane, ils ont souffert, ils ont combattu avec des chances diverses, puis, quelle qu’ait été d’ailleurs l’issue locale de la lutte, ils ont obtenu, par l’intervention de l’Europe, une indépendance plus ou moins mitigée qu’ils n’ont guère tardé à transformer en une autonomie complète. Les traités leur ont ainsi assuré des avantages que le petit nombre de leurs soldats ne leur eût pas permis d’obtenir par la seule force des armes.

Le Monténégro, et plus tard la Serbie, il faut le dire à leur honneur, surent garder ou reconquérir leur indépendance par leur propre énergie ; les conventions internationales ne firent, ensuite, que transformer en un état de droit ce qui était déjà un état de fait créé par leur courage. La Grèce, puis la Bulgarie, la Bosnie-Herzégovine, la Roumélie orientale, la Crète sortirent, on sait à la suite de quelles péripéties, de l’empire turc ; pour chacune d’elles l’évolution passa par les mêmes phases : révolte d’abord, lutte plus ou moins prolongée, intervention européenne et, sous une forme plus ou moins déguisée, indépendance. Les chrétiens de Macédoine, après tant de précédens, n’étaient-ils pas fondés à croire que la même méthode les conduirait, à leur tour, au même résultat ? L’Europe semblait elle-même les y inviter. La Conférence de Constantinople et le traité de San Stefano traçaient, l’une comme l’autre, les frontières d’une Turquie d’où la plus grande partie de la Macédoine était distraite, et si, au Congrès de Berlin, l’Europe, inspirée par Beaconsfield et Bismarck, se refusait à ratifier cette dislocation de la Turquie d’Europe, du moins stipulait-elle