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raison des amendes plus ou moins fortes qui menacent le délinquant et des désagrémens de toute nature qu’il risque de s’attirer. Désireux de les éviter et ne voulant, d’autre part, pas payer l’impôt légalement dû, le contribuable a quelquefois recours à un moyen terme. Il cherche à faire une sorte de contrat avec l’autorité administrative de son ressort, en lui tenant le langage suivant : Ma fortune représente telle valeur : 1 million par exemple ; le taux des impôts cantonaux et communaux étant très élevé (10 pour 1 000 francs de fortune au total), il ne me convient pas de payer une taxe considérable équivalant au quart de mon revenu. J’exige donc que vous ne préleviez l’impôt que sur une quote-part de mon capital (la moitié par exemple) ; si vous ne voulez pas vous mettre d’accord avec moi sur ce point, je quitterai votre commune ou votre canton et j’irai m’établir autre part. Des contrats de ce genre se faisaient dans le temps sur une assez grande échelle à Zurich, à Lucerne ; ces deux cantons ont tenté d’y parer en inscrivant dans la loi sur les impositions communales un article traitant d’illicites de pareilles conventions et les défendant aux autorités municipales. Elles seraient, néanmoins, fréquentes encore dans quelques-uns des cantons de la Suisse orientale, si nous en croyons certains renseignemens. » Ainsi parle l’auteur suisse ; il cite aussi un ancien article de la Gazette de Lausanne dont voici un passage : « La formation de la colonie des rentiers suisses de Constance (en territoire allemand) est due en première ligne à des motifs d’ordre fiscal. En outre, on affirme que beaucoup des rentiers dont les villas bordent la rive suisse du lac de Constance ne peuvent y être retenus que par les concessions des communes intéressées. Avant d’arborer sa qualité de rentier et de prendre sa retraite, l’industriel, le commerçant enrichi met le marché à la main à la commune où il entend se fixer. Il avoue, par exemple, 20 000 francs de rente, mais ne veut être taxé que pour 10 000. Si la transaction n’est pas acceptée, la rive allemande du lac lui offre ses ombrages. Composés de gens pratiques, les conseils communaux acceptent toujours le marché[1]. »


VIII

Tel est cet impôt que l’on nous propose d’introduire en

  1. Max de Cérenville : les Impôts en Suisse, etc., p. 117, 134, 135, 136, 144, 178 à 180.