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France et, ayant suscité parmi les contribuables les plus vifs ressentimens, les registres qui avaient servi à le percevoir furent brûlés. Malgré une situation financière souvent assez étroite, tant que vécut la génération qui l’avait subi, les Anglais ne songèrent pas à le ressusciter. En 1842 seulement, devant un déficit de 50 millions de francs, considérable pour le temps, Robert Peel en fit voter le l’établissement temporaire. Deux des hommes qui furent parmi les chefs les plus célèbres du parti libéral, sinon même radical, en Angleterre, dans la première partie du XIXe siècle, lord John Russell et lord Brougham le combattirent énergiquement ; s’il fut voté, « il fut entendu que des nécessités urgentes avaient seules pu déterminer cette adoption et que l’impôt n’était rétabli que pour un temps limité à trois ans. » Les difficultés financières durèrent : l’Angleterre dut accomplir bientôt une transformation économique radicale par la suppression des droits sur les grains et, graduellement, de la plupart des taxes douanières ; l’impôt sur le revenu Tut maintenu d’année en année, par l’impossibilité de se passer de son produit. En 1851, le ministère proposa que cet impôt qui, depuis neuf ans, vivait à titre précaire fût admis comme définitif ; le Parlement ne voulut toujours le voter que pour un an ; en 1853, avant à pourvoir à un abandon considérable de droits de douane, Gladstone obtint que la Chambre surmontât ses répugnances et qu’elle considérât l’impôt sur le revenu comme établi pour une durée de sept ans. Au terme de cette période, en 1861, Gladstone occupait le ministère, et il demanda le renouvellement de cet impôt, sans toutefois encore le classer comme une des pièces définitives du régime fiscal britannique : « Il me sera impossible, disait-il, de le supprimer tant que le pays aura besoin pour ses dépenses de 1 750 millions de francs, au lieu de 1 500 millions ; ce sera une belle tâche pour un chancelier de l’Echiquier, mais je n’ose espérer que ce soit jamais la mienne[1]. »

Ainsi, vingt ans après son l’établissement, l’impôt sur le revenu excitait encore en Angleterre une vive opposition, et si l’on le maintenait, ce n’était certainement pas par des considérations théoriques de justice et d’idéal fiscal ; on ne trouve jamais ces motifs allégués dans les discussions qui eurent lieu à ce sujet ; ce n’était pas par une préférence réfléchie que l’on accordait à cet

  1. Voyez notre Traité de la Science des Finances, 7e édition, tome Ier, p. 550, 556.