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arranger tout cela autrement, de manière à ne vous imposer le sacrifice d’aucune répugnance personnelle. »


X

Le dimanche 14, je quitte de nouveau ma famille pour retourner à Paris. Je ne puis exprimer le serrement de cœur avec lequel je dis adieu au modeste cabinet dans lequel j’avais tant travaillé, et avec quelle désolation intérieure je vis disparaître derrière moi les petits arbres que j’avais plantés, la plage aimée sur laquelle j’avais promené mes rêves et mes réflexions, l’humble maison que j’avais édifiée péniblement, année par année. Je ne devais les revoir qu’après les désastres de la patrie et l’anéantissement de toutes mes espérances.

À Compiègne, maîtres et courtisans étaient ravis de ma détermination d’accepter le pouvoir. Conti-écrivait à Duvernois : « La conduite d’Émile Ollivier est celle d’un homme de cœur et d’un homme d’État ; nous allons sortir, grâce à lui, de tout ce gâchis. Enfin ! » (Dimanche soir 14.) Mardi 16, j’arrive à Paris. J’y trouve trois lettres de l’Empereur en réponse aux miennes : « Compiègne, 14 novembre. — Mon cher monsieur Émile Ollivier, j’ai à répondre à plusieurs de vos lettres, et comme le temps est précieux je me bornerai à vous adresser quelques questions et quelques observations. Je crois comme vous qu’il faut laisser la presse et les réunions libres, mais en réprimant cependant les attaques contre le gouvernement établi par la volonté nationale. Dans quel pays peut-on tolérer qu’on dise ouvertement qu’on veut renverser le pouvoir établi et mettre en doute la légitimité de son autorité ? C’est nier l’exercice régulier du suffrage universel. Je ne fais aucune objection à la nomination de M. Philis. Il faut rajeunir l’administration tout en tenant compte des droits acquis et des services rendus. Les sous-secrétaires d’État ne pourront entrer en fonctions qu’après le vote de la Chambre. Duvernois étant nommé auparavant, il faudrait qu’il donnât sa démission de député ; ce qui serait un inconvénient. Je compte rentrer à Paris vers le 21 ou le 22. Nos rapports deviendront plus faciles. Croyez à mes sentimens d’estime et d’amitié. »

— « Mon cher monsieur Émile Ollivier, je veux bien, pour