Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 39.djvu/307

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

propos de tout, d’éveiller sans cesse les mêmes questions et de supprimer la part du temps. La loi devra donc être provisoirement maintenue. — La difficulté est de savoir si, renonçant aux erremens actuels, on recommencera les poursuites. — J’hésitais, lorsque j’ai vu Votre Majesté : je suis, fixé aujourd’hui. Je suis convaincu que quelques mois encore de liberté produiront plus pour l’affermissement de votre dynastie que les poursuites les plus implacables et les plus multipliées. L’opinion publique s’est réveillée et commence à faire la police des journaux. L’article de M. Sarcey : Vous vous ennuyez, a eu un immense retentissement ; lisez-le, Sire, il exprime le véritable état des esprits. Si vous poursuivez, l’opinion cessera d’être sévère ; elle ne verra que la peine et oubliera le délit. Les Irréconciliables aux abois demandent eux-mêmes des poursuites pour arrêter la déconsidération qui les gagne et empêcher l’explosion d’indignation qui les menace. Voici ce qui échappe à un des rédacteurs du Réveil : « Touchons-nous à la fin de l’intermède de tolérance plus démoralisateur que l’application rigoureuse de la loi[1] ? » — Quel avertissement ! — La conduite efficace ‘me paraît donc celle-ci : Persévérer dans l’attitude actuelle à l’égard de la presse ; retirer même le commissaire de police des réunions ; laisser dire, seulement déclarer à la tribune ceci : « Nous ne laissons tant de liberté aux paroles, que parce que nous sommes décidés à réprimer avec fermeté les actes, et nous vous déclarons, messieurs les agitateurs, qu’au premier désordre dans la rue, nous ne nous contenterons pas de poursuivre les niais égarés, nous mettrons la main sur ceux qui, dans les journaux ou les réunions, auront provoqué directement, fussent-ils des députés comme Gambetta et Jules Simon. » Ce langage paraîtrait une faiblesse, tenu par des ministres qui ne croient pas à la liberté. Il sera considéré comme un acte d’énergie, s’il est tenu par un défenseur de la liberté, et il produira, j’en réponds, bon effet. Je persiste à croire que le meilleur moment est après la vérification des pouvoirs, alors que j’aurai pu opérer comme député la fusion du centre droit et du centre gauche et prononcer un ou deux discours. J’aurais voulu rester à Paris, mais la situation n’est plus tenable : les nouvellistes se jettent sur moi comme des nuées de sauterelles, mes moindres paroles sont

  1. Réveil du 8 novembre 1869.