Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 39.djvu/305

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

attention le programme que vous proposez, et je l’accepte sauf les réserves suivantes : 1° Il me paraît en dehors de l’esprit et de la lettre de la Constitution de charger une seule personne de former un cabinet. Cela serait reconnaître l’existence d’un premier ministre, donner à la Chambre plein pouvoir sur le choix des ministres, tandis que, d’après la Constitution, ils ne doivent dépendre que de moi, et que ma responsabilité s’exerce en présidant le Conseil. 2° Je suis comme vous partisan des nationalités, mais les nationalités ne se reconnaissent pas seulement par l’identité des idiomes et la conformité des races ; elles dépendent surtout de la configuration géographique et de la conformité d’idées qui naît d’intérêts et de souvenirs historiques communs. La nationalité allemande, pas plus que la nationalité française, ne saurait comprendre tous ceux qui parlent la même langue. L’Alsace est française, quoique de race germanique ; les cantons de Vaud et de Neuchâtel sont suisses, malgré leurs affinités françaises. Certes, si le Sud de l’Allemagne, consulté par le suffrage universel, voulait s’unir à la Confédération du Nord, il serait difficile de s’y opposer. Mais si la Prusse violait le traité de Prague, si les provinces de l’Autriche voulaient en faire autant, devrions-nous le permettre ? Heureusement, d’ailleurs, ces questions ne sont pas à l’ordre du jour, et elles sont trop graves pour être résolues d’avance sans savoir dans quelles circonstances ces événemens peuvent éclater. Quant à la conduite à tenir vis-à-vis de l’Italie et de l’Orient, je suis complètement de votre avis. 3° La liberté de la presse et des réunions publiques est un mal qui exige un remède prompt et efficace, car si on laisse toutes ces violences se produire impunément, elles amèneront des désordres dans la rue et, après avoir paralysé pendant longtemps le mouvement commercial et industriel, elles provoqueront une réaction qui sera un nouvel échec pour la liberté. Tel est, mon cher monsieur Emile Ollivier, le résultat de mes réflexions. Vous le voyez, nous sommes bien près de nous entendre, et il ne faut pas que certaines susceptibilités, si légitimes qu’elles soient, viennent mettre obstacle à de grands desseins qui ont pour but le bien du pays. Croyez à mes sentimens d’estime et de sympathie. — NAPOLEON. »

L’Empereur avait raison, nous étions bien près de nous entendre ; ce qu’il me refusait était peu, comparé à ce qu’il m’accordait. Sur la politique étrangère, la concession était énorme. Des