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partis hostiles se sont coalisés contre mon gouvernement et ils ont attaqué, sous le titre de pouvoir personnel, les prérogatives constitutionnelles que j’exerçais légitimement. Ces attaques n’avaient qu’un but, mais elles partaient de mobiles différens. Les uns voulaient affaiblir le pouvoir dans l’espoir de le renverser, les autres, fils de la rue de Poitiers, voulaient empêcher le retour de mesures qui les avaient blessés, telles que l’affranchissement de l’Italie, les réformes libérales, l’établissement des traités de commerce. Ils proclamaient la paix à tout prix et me reprochaient de n’avoir pas mis l’Europe en feu en attaquant la Prusse après la victoire de Sadowa. Quelque factice que fut pour moi cette opposition, elle avait l’air, aux yeux du pays, d’un mouvement libéral, et je devais d’autant moins y résister qu’il entrait dans mes idées, au commencement de la session ordinaire, de développer des réformes déjà introduites au 24 novembre et au 19 janvier. Mon programme a donc été au-devant de l’interpellation des 116 députés, et le sénatus-consulte au-delà de leurs vœux. J’ai cru faire une chose utile pour le pays en donnant aux grands corps de l’Etat des prérogatives plus étendues, mais je n’ai entendu en aucune façon désarmer le pouvoir, désavouer mon passé, renier tous les hommes qui m’avaient fidèlement servi, ni renoncer à ma propre responsabilité devant la nation. Le sénatus-consulte réalise plusieurs des idées émises par ce qu’on appelle le tiers-parti ; mais est-ce à dire pour cela qu’il faille répudier l’appui de la majorité du Corps législatif ? Elle se compose en grande partie d’hommes dévoués à mon gouvernement, et dont l’élection, loyalement, librement voulue, s’est faite cependant sous les auspices, sous la direction honnête et légitime du ministre de l’Intérieur. Renvoyer celui-ci avant la vérification des pouvoirs, avant que la Chambre ait manifesté ses sentimens, ce serait jeter le blâme sur l’ensemble des opérations électorales, affaiblir- l’autorité du plus grand nombre des députés et démontrer la nécessité logique d’une dissolution. De ces diverses considérations, il résulte que le ministre de l’Intérieur doit rester, être pour ainsi dire le trait d’union entre le passé et l’avenir, mais qu’il faut aussi que l’élément nouveau entre en grande partie dans la composition du ministère. Personne mieux que vous ne représente cet élément nouveau ; seulement, c’est à vous qu’il appartient de juger le moment opportun pour rentrer aux affaires. J’ai lu avec