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sièges et voteraient la réunion d’une Constituante. Gambetta se hâte de faire écho à ce programme héroïque : « Le suffrage universel, ce maître des maîtres, est déjà depuis trop longtemps tenu en échec par le pouvoir exécutif, qui n’est en somme que sa périssable créature. Il faut en finir. Les représentans du peuple doivent s’emparer de toute occasion propice et juste de protester contre l’intolérable conduite du gouvernement. Le rendez-vous au 26 octobre prochain, donné à tous ses collègues de la Chambre par le député du Finistère, nous présente cette occasion : c’est l’essentiel. M. de Kératry propose de se réunir le 26 octobre au lieu ordinaire des séances, de se constituer, de délibérer ; en un mot, de passer outre aux inqualifiables résistances de l’exécutif. A merveille. Le devoir d’un représentant du peuple en telle occurrence est tellement clair et net que j’éprouve à peine le besoin de vous dire : J’y serai (1er octobre). » Il y sera, fût-il seul ! Raspail adhère, Bancel annonce « qu’il se rendra à Paris pour remplir dans leur sévère rigueur ses devoirs de représentant du peuple. » Le troupeau démagogique s’émeut de ces fiers accens et applaudit. Les électeurs somment les tièdes, tels que Garnier-Pagès, de prendre des résolutions viriles. « Il n’y a pas à s’y méprendre, s’écrie le journal de Delescluze, c’est la révolution : en 1829 et en 1847 le mouvement n’avait pas eu une telle intensité. »

S’incliner devant ces insolens défis, c’eût été de la part du gouvernement un suicide. Cependant il en délibéra. Les ministres étaient assiégés de conseils : Prenez garde, le sang coulera ! Ce sera la guerre civile ! Ne vous raidissez pas contre le sentiment public. Magne se trouvait en congé depuis la promulgation du sénatus-consulte ; l’Empereur le fit mander. « C’est un esprit net, j’ai confiance en son jugement, il nous tirera d’affaire. » Magne arrive, le Conseil se réunit ; chacun se prépare à l’écouter. Il commence par reconnaître que l’émotion publique est considérable et que les dangers d’une résistance sont réels ; cependant il ne faut pas faiblir. Une convocation au 26 octobre, au jour fixé par Kératry, ce serait une défaillance. Mais qui empêchait de convoquer le 25 ? Kératry serait bien attrapé ! — « Mais ce serait de la pusillanimité ! » s’écria Le Bœuf irrité. L’Empereur changea de couleur et dit : « Ah ! monsieur Magne, je ne vous avais pas appelé pour que vous me donniez un conseil aussi peu héroïque. » il fut résolu qu’on ne