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pu prendre part à cette fête, hors le clergé qui ne pouvait le faire qu’à certaines conditions. Ces conditions, Mgr Touchet a voulu les indiquer tout de suite pour qu’il n’y eût aucun malentendu. Il a admis que le cortège partit de la mairie au lieu de partir de la cathédrale. Il s’est résigné à la suppression de certaines manifestations qui avaient cependant de la beauté et de la grandeur. Peu importe, a-t-il ajouté, le rang qui sera assigné au clergé dans le cortège. « Un rang ou un autre rang, un numéro ou un autre numéro sur votre nomenclature, que veut-on, a-t-il dit, que cela nous fasse, et cela nous fit-il quelque chose, nous l’accepterions volontiers si le bien public y était engagé. » Sur tous ces points, nulle difficulté. Mais Mgr Touchet a demandé formellement : 1o de faire une halte à la Croix des Tourelles pour y dire les prières accoutumées ; 2o que la croix des diverses paroisses fût portée en tête de leur clergé ; 3o que la franc-maçonnerie ne fit pas officiellement partie du cortège. Nous n’avons pas besoin de dire pour quels motifs Mgr Touchet n’estime pas pouvoir transiger sur les deux premières conditions. Si on veut que l’idée religieuse soit exclue des fêtes de Jeanne d’Arc, il ne faut pas y inviter le clergé. Le clergé est ce qu’il est ; on ne peut pas lui enlever son caractère ; il peut encore moins le désavouer. Renoncer à la croix serait « de l’apostasie commencée. » Renoncer à la prière ne serait guère mieux. Pour ce qui est de sa troisième condition : « Les règles ecclésiastiques, dit Mgr Touchet, interdisent sévèrement aux évêques et aux prêtres de prendre part à une cérémonie à laquelle assisterait officiellement la franc-maçonnerie. Cette phrase, je l’écris sans animosité ; grâce au ciel, je n’ai d’animosité contre aucune personne que ce soit prise individuellement. À tous je voudrais rendre service, s’il m’était possible. Cette phrase, je l’écris par obligation de conscience. » Toute la lettre de Mgr Touchet est dans le même ton, pleine de ménagemens pour les personnes, ferme sur les principes, conciliante dans les choses. Elle fait honneur au prélat qui l’a écrite, et l’opinion générale, même en dehors d’Orléans, lui a donné la préférence sur celle de M. Clemenceau.

À Orléans, on a cru tout d’abord que l’affaire était arrangée. C’est au sujet des croix des paroisses que M. Clemenceau a été consulté par télégramme ; on craignait de sa part une opposition absolue ; il s’est empressé de répondre qu’il n’avait jamais entendu interdire les croix, et il a semblé dès lors qu’il ne pouvait plus y avoir de difficulté insurmontable. Il dépendait de la municipalité de ne pas inviter officiellement les francs-maçons, et elle était décidée à s’en abstenir. Quant