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gouvernement était gêné par sa présence à Paris, il avait le droit de l’expulser ; mais il n’avait pas celui de s’emparer de ses papiers et de les livrer en bloc à la publicité. Toutes réserves faites sur la violation de l’ancienne nonciature, l’instruction judiciaire aurait pu retenir les papiers qui se rapportaient au procès de M. l’abbé Jouin, s’il y en avait eu : le reste devait être respecté. Allons plus loin si on le veut, et, puisqu’il s’agissait d’une affaire politique, on aurait compris, sans l’excuser, que les papiers de Mgr Montagnini qui avaient un caractère politique fussent retenus également. Mais les autres ? Un très grand nombre, et probablement même la majorité, se rapportaient à des personnes qui avaient eu des rapports avec l’ancienne nonciature pour des objets absolument privés. Le Vatican désirait avoir des renseignemens sur elles ; Mgr Montagnini se les procurait, plus ou moins exacts suivant ses moyens d’information, et les envoyait à Rome ; qu’a-t-on à dire à cela, et de quel droit divulgue-t-on le secret de ces correspondances ? Les journaux radicaux-socialistes, si susceptibles comme on sait en pareille matière, et en tout cas si compétens, dénoncent avec une indignation dont la sincérité n’est pas douteuse ce qu’ils appellent un système de fiches. N’est-ce pas donner le change à l’opinion ? Les fiches sont parfaitement légitimes lorsqu’elles viennent de ceux qui ont qualité pour les faire, et qu’elles servent à un but avoué et avouable. Si des amateurs érigent une administration de contrebande à côté de l’administration régulière et contre elle ; s’ils remplissent des fiches au moyen d’informations prises à droite et à gauche, sans choix, sans discernement, sans contrôle et sans autorité ; s’ils s’en servent pour exercer une influence occulte sur l’avenir de nos fonctionnaires ou sur l’avancement de nos officiers, voilà ce qui est coupable et qui ne saurait être trop rigoureusement flétri. Mais si un chef d’administration civile ou militaire se procure des renseignemens sur son personnel par la voie hiérarchique, par l’intermédiaire d’agens éclairés et responsables, il agit conformément à son droit et à son devoir. On est presque honteux d’avoir à dire des choses aussi élémentaires. Les papiers de Mgr Montagnini ont été saisis : qu’y a-t-il de surprenant à ce qu’on y trouve des renseignemens sur des personnes qui, le plus souvent, ont sollicité à Rome des faveurs ou des distinctions ? La seule chose étonnante est qu’ils aient pu être jetés en quelque sorte sur la place publique et donnés en pâture à une curiosité malsaine. Ils n’appartiennent ni à l’instruction qui n’en a pas fait usage, ni à la Chambre, ni à M. le président du Conseil, ni à M. le garde des Sceaux, mais bien à Mgr Montagnini et au gouvernement pontifical,