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distribution suivant qu’il a été crucifié avec Jésus, blessé par Jésus ou spectateur ému du crucifiement.

Le fait est d’autant plus intéressant qu’on y peut voir, sans exagération, une confirmation inattendue de la théorie psychologique de la stigmatisation, et une preuve de la bonne foi des stigmatisés.

Si la distribution des stigmates se modifie suivant la forme que revêt la représentation de la Passion, n’est-ce pas une raison de plus de penser que la représentation est la véritable cause des stigmates, comme Pétrarque, Pomponazzi et quelques autres l’avaient fait bien avant nous ; et si les stigmatisés de gauche ont toujours la vision des cinq plaies ou du cœur présente devant eux au moment de leur stigmatisation, tandis que les stigmatisés de droite voient se dérouler une scène très différente, n’est-ce pas une raison de croire à la sincérité des uns et des autres ?

Si les stigmatisés de gauche avaient imprimé eux-mêmes sur leur corps les marques de la Passion, n’auraient-ils pas eu le bon sens de placer la plaie de la lance à droite, pour avoir au moins le mérite de la fidélité dans l’imitation ? Auraient-ils surtout décrit, avec tant de précision dans le détail, la constante représentation des cinq plaies et des rayons de lumière ou de sang qui concorde si parfaitement avec la répartition de leurs stigmates ? Et les stigmatisés de droite auraient-ils su qu’ils ne devaient pas parler de la vision obsédante des cinq plaies, bien que la plupart de leurs prédécesseurs l’aient décrite avant eux et lui aient donné comme l’autorité d’une tradition ? Si l’on veut s’en tenir au scepticisme absolu dans cette difficile question des stigmates, on se heurte non-seulement à des enquêtes ecclésiastiques et médicales qui méritent crédit, mais à la logique interne et profonde qui gouverne le jeu de nos images mentales, leur développement et leur rapport avec les phénomènes du corps.

Il y a donc eu et il y a encore très vraisemblablement des stigmatisés de par le monde chrétien. Leurs stigmates nous apparaissent comme suffisamment expliqués ; ils relèvent de lois connues et notre explication dit assez que la psychologie ne peut suivre les mystiques dans le sens symbolique et religieux qu’ils leur attribuent. Mais si nous expliquons aujourd’hui les stigmates, nous pouvons cependant, sans aucune difficulté, nous rendre compte de l’émotion religieuse que bien des croyans ont pu ressentir au moyen âge et dans des temps plus récens devant