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qu’elle soit capable d’imprimer sur une partie du corps, vers laquelle elle a concentré tout son effort, une marque, une espèce de plaie qui laissera ensuite une véritable cicatrice… Les solitaires de la Thébaïde et quelques visionnaires faisaient voir sur leur peau les marques rougeâtres qu’avait laissées le fouet du démon ou de l’ange qui les avait châtiés… Lorsque les convulsionnâmes prenaient au tombeau du diacre Paris la pose du Christ sur la croix, souvent leurs extrémités devenaient rouges, la paume de leurs mains s’enflammait, une sorte de stigmate passager accompagnait cette méchante parodie de la Passion[1]. »

L’explication est très séduisante par son ingéniosité, mais du temps où Pétrarque, Pomponazzi, saint François de Sales et même M. Alfred Maury l’ont formulée, ce n’était encore qu’une hypothèse vraisemblable que n’appuyaient ni l’observation précise, ni l’expérimentation ; or nous sommes bien près aujourd’hui de lui avoir apporté le contrôle favorable des faits.

On a tout d’abord eu l’occasion de constater plusieurs fois, au cours de ces dernières années, que les troubles cutanés qui se localisent chez les stigmatisés aux points d’élection, se manifestent chez beaucoup de névropathes dans les régions du corps les plus diverses. Déjà, en 1859, dans un mémoire célèbre[2], Parrot avait décrit le cas d’une femme névrosée qui, sous l’influence d’un chagrin violent, versa un jour des larmes teintées de sang. A partir de cette époque, elle fut sujette à des hémorragies douloureuses de la peau qui se montraient sur les genoux, sur les mains, sur la poitrine, sur le sillon des paupières inférieures et qui survenaient toujours après une émotion morale compliquée d’une attaque nerveuse où elle perdait le mouvement et la sensibilité : « Elle était torturée, dit Parrot[3], par des douleurs déchirantes qui se montraient alternativement à l’épigastre, aux régions inguinales, aux cuisses, à la tête, sur les parois du thorax. J’observai, à plusieurs reprises, des convulsions très variées et des exsudations de sang sur divers points du corps. Tous les paroxysmes névralgiques s’accompagnaient d’écoulemens sanguins, au niveau des foyers

  1. Article cité, Revue des Deux Mondes, 1854, t. IV, p. 457.
  2. Étude sur la sueur du sang et les hémorragies névropathiques. Paris, Masson, 1859.
  3. Op. cit., p. 3.