Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 39.djvu/201

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les objets ; vivant en Dieu, ils ont pensé qu’ils participaient à quelque chose de sa nature.

Aussi leurs biographies sont-elles pleines de faits merveilleux qu’ils ont eux-mêmes contés ou que leurs historiens rapportent. Sainte Thérèse[1], par exemple, nous dit dans ses Mémoires qu’elle a été plusieurs fois élevée au-dessus du sol par une force mystérieuse[2] ; sainte Marie d’Oignies aurait violé de même les lois de la pesanteur et traversé la Sambre en marchant sur les eaux, si l’on en croit ses biographes[3] ; saint François-Xavier, d’après Surius, put un jour, sans quitter le vaisseau qui le conduisait en Chine, apparaître à des matelots perdus sur une chaloupe et les rassurer[4] ; saint Philippe de Néri[5], d’après Jacopo Bacci, devenait lumineux tandis qu’il priait ; quelques-uns, comme le tertiaire Bartole, qui vivait vers l’an 1300[6], auraient répandu de leur vivant ou après leur mort une odeur suave de sainteté. D’autres, comme sainte Lydwine, auraient jeûné sans inconvéniens pendant des mois et des années[7] ; un certain nombre auraient présenté sur leurs corps les marques mêmes des souffrances endurées par Jésus-Christ.

Sans mettre en doute la bonne foi des mystiques ou de leurs exégètes, on a le droit de penser qu’une partie de ces faits sont illusoires ou légendaires, et que d’autres mériteraient au moins quelques confirmations de plus ; mais, dans bien des cas, les témoignages sont si concordans, les affirmations tellement précises, qu’on ne peut, sans parti pris, se contenter de cette attitude d’attente et qu’on est tenu d’y regarder de près ; c’est ce que je voudrais faire aujourd’hui pour la stigmatisation.


I

On donne le nom de stigmates, dans le langage des mystiques, à ces marques et à ces douleurs caractéristiques de la Passion

  1. 1515-1582.
  2. Autobiographie, ch. XX.
  3. Histoire de la Vie, Miracles et Translation de sainte Marie d’Oignies, par Buisseret, 1609, liv. III.
  4. Sa vie, dans Surius.
  5. 1515-1595. Cf. sa Vie, par J. Bacci, liv. III, ch. I, p. 235.
  6. Görres, La Mystique divine, naturelle et diabolique, I, 343, d’après le Menologium d’Huber, p. 2316.
  7. 1380-1433. Acta Sanctorum, 2 avril.