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Mouette au vol si sûr, discrète voyageuse,
Dis à mon fiancé que je suis tout heureuse
De n’être plus à moi, de me sentir son bien,
De lui tout envoyer et de n’avoir plus rien.


SOUS LES TILLEULS


Au loin, sous les tilleuls, j’allai me reposer
Pour laisser à loisir mes pensers dans un rêve,
Et j’étais si joyeux que je voulais parler,
Raconter à la source, au nuage qui crève
Et nous donne sa pluie en baisers rafraîchis,
Ce qui montait en moi de sève et de jeunesse.
À cette heure du soir les troncs étaient blanchis ;
L’air semblait imprégné d’une impalpable ivresse ;
Le soleil descendait en ardente langueur.
L’écharpe d’or tomba, l’atmosphère était dense,
Les branches s’unissaient sous la molle chaleur ;
Mon âme s’élançait palpitant d’espérance.
Bientôt l’ombre envahit les saules des tombeaux ;
Je les vis, imprécis, lentement disparaître,
Et je tendis ma lèvre au duvet des oiseaux.
O volupté de vivre et de sentir son être !


LOGIS VIDE


Ah ! tous mes oiselets du nid sont envolés.
Ils sont partis joyeux, allant à tire d’aile,
Mon logis est désert : mes yeux sont emperlés ;
Mon cœur me semble lourd et l’aurore moins belle.

Allez, mes chers petits, fêtez dans vos chansons
La beauté du soleil, la douceur de la vie.
Croyez à l’allégresse et filez de beaux sons ;
Mais ne m’oubliez pas, ô jeunesse ravie !

Sachez bien qu’autrefois, en mon temps de bonheur,
Je vous ai tout donné : le jour, l’amour, mon âme,
Je n’ai gardé pour moi que l’acre goût du pleur,
Ces larmes de la mère et non plus d’une femme.